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CITOYENNETÉ

Le terme de citoyen, dont la Révolution française avait déjà fait un usage enthousiaste et parfois excessif, est revenu à la mode depuis quelques années d'une manière insistante, sinon obsédante, et cela dans tous les pays démocratiques. Le plus souvent, il revient à dire simplement « non professionnel », « social », ou même « amical » ou « sympathique ». Le terme a pourtant une signification précise. Principe de la légitimité politique, la citoyenneté est aussi source du lien social dans la société démocratique moderne. Mais celle-ci n'est-elle pas devenue une forme d'organisation fragile à l'époque de l'ouverture des cadres nationaux et de la prééminence de la vie économique ?

La Liberté guidant le peuple, E. Delacroix - crédits : AKG-images

La Liberté guidant le peuple, E. Delacroix

La citoyenneté a d'abord un sens juridique. Le citoyen n'est pas un individu concret. On peut lui appliquer ce qu'écrivait Joseph de Maistre dans ses Considérations sur la France (1796) à propos de l'homme de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc. ; je sais même grâce à Montesquieu qu'on peut être persan ; mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie. » On ne rencontre pas plus le citoyen que l'homme. Le citoyen est un sujet de droit. Il dispose à ce titre de droits civils et politiques. Il jouit des libertés individuelles, la liberté de conscience et d'expression, la liberté d'aller et venir, de se marier, d'être présumé innocent s'il est arrêté par la police et présenté à la justice, d'avoir un avocat pour le défendre, d'être traité par la justice selon une loi égale pour tous. Il dispose des droits politiques : participer à la vie politique et être candidat à toutes les fonctions publiques. En revanche, il a l'obligation de respecter les lois, de participer aux dépenses collectives en fonction de ses ressources et de défendre la société dont il est membre, si elle se trouve menacée.

Mais la citoyenneté est aussi le principe de la légitimité politique. Le citoyen n'est pas seulement un sujet de droit. Il est détenteur d'une part de la souveraineté politique. C'est l'ensemble des citoyens, constitués en collectivité politique ou en « communauté des citoyens », qui, par l'élection, choisit les gouvernants. C'est l'ensemble des citoyens qui est à la source du pouvoir et qui justifie que les décisions prises par les gouvernants soient exécutées. C'est l'ensemble des citoyens qui contrôle et sanctionne l'action des gouvernants issus de l'élection. Les gouvernés reconnaissent qu'ils doivent obéir aux ordres des gouvernants parce que ceux qui leur donnent ces ordres ont été choisis par eux et restent sous leur contrôle.

Nous avons intériorisé l'idée de la citoyenneté au point qu'elle nous paraît « naturelle ». Les sociétés organisées par la citoyenneté sont pourtant très minoritaires dans l'histoire humaine. Les origines de cette idée sont anciennes, puisqu'elles remontent aux cités grecques de l'Antiquité, mais la modernité politique, née progressivement dans l'Occident chrétien, qui s'est imposée avec éclat au moment des révolutions politiques des xviie et xviiie siècles en Angleterre, aux États-Unis, en France, a introduit une rupture fondamentale. La citoyenneté moderne n'est pas celle de l'Antiquité.

La légitimité politique

En proclamant la souveraineté du citoyen, les révolutionnaires posaient un principe de transcendance des particularismes. Constitués en « nation », pour reprendre la formule de l'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les citoyens cessaient d'être des individus concrets pour agir dans l'espace[...]

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Écrit par

  • : directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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La Liberté guidant le peuple, E. Delacroix - crédits : AKG-images

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