CITROËN 2 CV
Lancée officiellement en octobre 1948 lors du Salon de l’automobile de Paris, la Citroën 2 CV est un modèle de voiture qui a marqué l’histoire industrielle et culturelle de ce moyen de transport. Plus de 5,1 millions d’exemplaires ont été produits entre 1948 et 1990, ce qui en fait l’une des voitures françaises les plus vendues et la Citroën la plus diffusée de tous les temps. Le 27 juillet 1990, la dernière Citroën 2 CV est sortie de la chaîne de fabrication de l’usine de Mangualde au Portugal, mettant un point final à cette aventure industrielle populaire. À cette date, la production de ce modèle dans l’usine historique de la marque – installée à Levallois-Perret depuis 1921 – avait cessé depuis deux ans, alors que jusqu’à cinq cents véhicules en sortaient chaque jour. Avec ce modèle, l’automobile est devenue bien plus qu’un engin de locomotion : accompagnant tout particulièrement les mutations d’une société rurale en voie d’urbanisation rapide, la 2 CV s’est vite transformée en objet emblématique de la société de consommation des Trente Glorieuses et, parfois, en phénomène de mode.
Naissance d’une voiture populaire française
Les préoccupations des constructeurs français – frappées par la crise économique des années 1930 – croisent la problématique de la voiture populaire, telle qu’elle s’invente concomitamment en Italie et en Allemagne, où apparaissent respectivement la « Topolino » (Fiat 500 ; 1936) et la « Coccinelle » (Volkswagen de type 1 ; 1938). Cet élargissement du cercle des acquéreurs susceptibles d’accéder à la motorisation individuelle avait déjà été envisagé en 1927 lors du lancement de la revue L’Argus, devenue une référence pour le nouveau marché de la seconde main en pleine croissance.
Décédé en 1935, soit une année après la faillite de son entreprise et son rachat par le manufacturier Michelin, André Citroën (1878-1935) n’a pas été directement impliqué dans la conception de la TPV (toute petite voiture), nom du programme de la future 2 CV. Sa marque personnelle reste liée pour l’éternité à un certain esprit d’innovation et de promotion, dont la Traction Avant fut le dernier modèle de son vivant. Cette transmission de type traction se retrouvera dans les futurs modèles frappés du double chevron (logo de la marque), à commencer par la DS (1955) puis, pour n’en citer qu’une autre, emblématique elle, la SM (pour S Maserati ; 1970), coupé grand tourisme.
La destinée singulière de la 2 CV au profil si original doit beaucoup à sa longue genèse, épique et sous le sceau du secret, survenue dans une époque troublée, avant, pendant puis immédiatement après la Seconde Guerre mondiale. Conçue selon un cahier des charges extrêmement simple, elle a hérité pour sa conception d’enquêtes clients sommaires (les premières démarches en ce sens datant de 1922), destinées à recueillir l’avis de futurs acheteurs et, surtout, du concours lancé en 1935 par la Société des ingénieurs de l’automobile en quête de l’ouverture du marché à une clientèle plus modeste, d’où la limitation de la charge fiscale à 2 chevaux. Pierre Boulanger (1885-1950), engagé par Pierre Michelin, auquel il succède comme président-directeur général de la marque Citroën en 1937, reprenant en substance le cahier des charges, définit ainsi le projet : il s’agit de construire un véhicule susceptible de transporter à travers champ un couple d’agriculteurs, un tonneau de vin et une boîte d’œufs sans qu’ils ne se brisent. En résumé, « quatre roues sous un parapluie », slogan que la publicité de la marque répandra dans les années 1960. L’automobile doit être présentée au salon de Paris en octobre 1939, mais cet événement est annulé pour cause de guerre. Durant l’Occupation, les convoitises industrielles des Allemands accentuent l’atmosphère de dissimulation qui avait déjà présidé à l’achat, à La Ferté-Vidame (Eure-et-Loir),[...]
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Écrit par
- Mathieu FLONNEAU : maître de conférences, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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Médias