HELLÉNISTIQUE CIVILISATION
Entré dans l'usage dans la seconde moitié du xixe siècle, l'adjectif « hellénistique » est appliqué par convention à la période de trois siècles séparant la mort d'Alexandre le Grand (— 323) de celle de la dernière reine macédonienne, Cléopâtre (— 30). Les découvertes archéologiques (en particulier les fouilles de Délos, de Pergame et de Priène, mais aussi celles d'Herculanum et de Pompéi), l'essor de l'épigraphie et de la numismatique, l'apparition de sciences nouvelles, comme la papyrologie, la découverte et le déchiffrement de documents cunéiformes (fouilles d'Uruk), l'enrichissement enfin des collections privées et publiques d'objets précieux (pierres gravées, camées, orfèvrerie) permirent aux spécialistes de la Grèce classique d'entrevoir, dans sa réalité, une « civilisation hellénistique » qu'ils avaient imaginée à travers les textes littéraires. Il apparut que, loin d'avoir connu une décadence, l'hellénisme s'était simplement transformé pour s'adapter à la situation nouvelle créée par le partage de l'empire d'Alexandre.
Une réalité complexe et fluctuante
La civilisation hellénistique est d'une grande complexité, et ce pour deux raisons principales. D'une part, l'immensité des territoires touchés. Au iiie siècle, époque de sa splendeur, le monde « hellénistique » s'étendait d'est en ouest depuis l'Oxos (Amou-Darya) jusqu'à Marseille, du nord au sud depuis la Crimée jusqu'au royaume éthiopien de Méroé. Mais la densité du peuplement gréco-macédonien variait d'une région à l'autre et d'ordinaire le rayonnement de l'hellénisme, soit direct dans les zones de peuplement, soit indirect dans les zones de contact, ne concernait que les élites indigènes. D'autre part, l'affaiblissement des royaumes fondés par les lieutenants d'Alexandre ou par leurs imitateurs eut deux conséquences différentes. Certes, le premier effet en fut le rétrécissement de l'aire contrôlée par ces États. À l'ouest, dès — 270, Pyrrhus abandonna la Grande-Grèce aux Romains ; en — 241, la partie occidentale de la Sicile tomba entre leurs mains, et l'île leur appartint entièrement après la prise de Syracuse (— 212). En — 168, la défaite de Pydna sonna le glas de la Macédoine puis, en — 146, ce fut au tour de l'Achaïe de perdre son indépendance, après la destruction de Corinthe. Enfin, en — 96, Ptolémée Apion céda la Cyrénaïque aux Romains, ses voisins depuis la destruction de Carthage. À l'est, les Séleucides durent se battre sur deux fronts. Déjà éprouvés par l'invasion des Celtes danubiens (Galates) qui, après avoir ravagé la Macédoine, occupèrent le cœur de l'Anatolie, favorisant l'émancipation de la Bithynie, de la Cappadoce et du Pont, ils furent chassés d'Asie Mineure par les Romains, vainqueurs à Magnésie (— 190). Puis les Parthes leur arrachèrent, entre — 150 et — 140, la Médie et la Mésopotamie. Réduits à la Syrie, les derniers rois de cette dynastie en furent chassés, à partir de — 85, par Tigrane d'Arménie avant d'être dépossédés par Pompée en — 63. Maîtres de la province d'Asie (l'ancien royaume de Pergame que leur avait légué Attale III en — 133) et de la Cilicie, les Romains s'estimaient désormais de taille à gouverner l'Orient.
Pour autant, s'il est vrai que les conquêtes des Romains à l'ouest et celles des Parthes à l'est se traduisirent par des modifications politiques, celles-ci n'affectèrent pas sensiblement les conditions d'existence des populations grecques ou hellénisées : cela est aussi vrai de la Sicile que de la Mésopotamie, où subsistèrent, sous la domination des Arsacides, des communautés grecques structurées[...]
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Écrit par
- Paul GOUKOWSKY : correspondant de l'Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), professeur de langue et littérature grecques à l'université de Nancy-II
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