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HELLÉNISTIQUE CIVILISATION

Le temps des grandes monarchies

Ce fut à cause de Philippe II de Macédoine et surtout d'Alexandre que la monarchie apparut comme le seul régime adapté au gouvernement des royaumes composites dont les contours se dessinèrent après la mort du conquérant de l'Égypte et de l'Asie perse. La distinction que l'on établit entre « monarchies nationales « (Épire et Macédoine) et monarchies fondées sur la conquête (« droit de la lance ») n'est que partiellement vraie. Certes, la composante nationale était plus forte en Macédoine qu'en Syrie ou en Égypte, où les Macédoniens ne furent jamais nombreux. Toutefois, si l'on adopte le point de vue des indigènes, les Séleucides furent réellement « rois de Babylone » pour les Mésopotamiens, les Lagides « rois de la Haute et de la Basse-Égypte » pour les Égyptiens. Inversement, les rois de Macédoine ou d'Épire ne se contentèrent jamais de leur domaine ancestral : comme les autres, ils tentèrent d'étendre leur domination. Il suffit de songer à l'équipée italienne de Pyrrhus ou aux entreprises militaires des Antigonides.

Personnalisation du pouvoir et idéologie royale

En fait, tout roi hellénistique était en quête de victoires pour la simple raison que celles-ci, signe de la faveur divine, légitimaient sa présence sur le trône. Le charisme du souverain suscitait le dévouement (eunoia) de ses collaborateurs, de ses troupes et de ses sujets. Inversement, celui qu'abandonnait la Fortune (Tychè) perdait rapidement ses soutiens. Cette personnalisation du pouvoir, associée à la croyance que certains hommes sont prédestinés à accomplir de grandes choses, s'établit si fortement que les cités elles-mêmes, à commencer par les capitales (Antioche et Alexandrie) firent de la Fortune, couronnée de tours, leur principale divinité poliade.

Chef d'armée, payant de sa personne ou du moins rassurant l'armée par sa présence sur le champ de bataille, le roi hellénistique est d'abord un chef militaire acclamé à son avènement par ses Macédoniens, puis par les autres corps de troupes. Mais disposer de la force ne suffisait pas. Comme le roi achéménide, le basileus eut recours, pour s'imposer, au prestige qu'apportent le costume et l'apparat aulique : des armes superbes, un manteau de pourpre parfois brodé de signes cosmiques, un diadème, un anneau, un cortège de gardes et de courtisans entourant le trône où, comme Zeus, le prince siégeait, sceptre en main, tels furent les symboles d'un pouvoir sans commune mesure avec ce que l'on avait connu jusqu'alors chez les Grecs.

Des rois égaux des dieux

Les sujets et alliés de ces princes tout-puissants les acceptèrent volontiers comme des dieux, leur accordant les mêmes honneurs qu'aux Olympiens. Ils y étaient encouragés par la philosophie d'Évhémère, enseignant que les dieux n'étaient que des hommes de l'ancien temps, qui avaient mérité la reconnaissance de leurs semblables par l'étendue de leurs bienfaits. De nombreuses cités grecques instaurèrent donc le culte de rois qui les avaient aidées dans des circonstances critiques, le plus souvent en dressant leur statue près de celle d'un dieu, avec lequel le roi était censé cohabiter (synnaos). Ces rois se choisirent des surnoms (épiclèses) qui les rattachaient à la sphère des dieux : Sôter (Sauveur) comme Zeus ; Kallinikos (« à la belle victoire ») comme Héraclès, ou encore Évergète (Bienfaisant), Épiphane (« qui apparaît tel un dieu »), etc. À l'exception de la Macédoine, les familles au pouvoir songèrent vite à organiser des cultes dynastiques, associant le prince régnant et son épouse à ses ancêtres divinisés et au fondateur de chaque royaume, Alexandre le Grand. L'effigie du souverain, parfois accompagné de son épouse à l'arrière-plan, remplaça sur les monnaies royales l'image[...]

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  • : correspondant de l'Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), professeur de langue et littérature grecques à l'université de Nancy-II

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