HELLÉNISTIQUE CIVILISATION
Une civilisation promise au déclin
Les causes politico-militaires
Les historiens anciens (Polybe notamment) avaient déjà compris que les affrontements incessants entre Lagides et Séleucides (les interminables « guerres de Syrie »), puis la rivalité entre Séleucides et Antigonides pour le contrôle des détroits et leur incapacité à s'unir contre Rome avaient miné les monarchies hellénistiques. Il faut y ajouter les rébellions (comme celle d'Achaios chez les Séleucides), les séparatismes (Cyrène s'affranchit de la tutelle alexandrine, une partie de l'Asie Mineure se regroupa autour de la dynastie de Pergame) et enfin l'incapacité des Antigonides à empêcher le développement de ligues grecques (confédérations étolienne et achéenne) d'ailleurs rivales : si les rois macédoniens menacèrent la Grèce à partir de quelques citadelles (dont l'Acrocorinthe et Chalcis d'Eubée), ils ne la dominèrent jamais.
En raison de ces guerres incessantes, il devint difficile aux Séleucides et aux Lagides de trouver des Macédoniens pour leur infanterie d'élite (phalange). Ils eurent recours aux mercenaires, grecs et thraces, puis galates – ces derniers peu fiables – et juifs, nombreux au service des derniers Ptolémées, qui recrutèrent même des Italiens. Les rois firent aussi appel aux indigènes : une phalange formée d'Égyptiens combattit à la bataille de Raphia (— 217) et, à Magnésie (— 190), Antiochos III opposa aux légions romaines des troupes hétéroclites. Ce manque de cohésion, joint à une tactique sclérosée que ne compensait pas l'emploi d'armes plus spectaculaires qu'efficaces (chars armés de faux, éléphants, navires de guerre gigantesques et lents), explique une longue série de revers face aux Parthes et aux Romains, malgré les efforts des derniers Antigonides (Philippe V et Persée) pour former au maniement des armes la jeunesse macédonienne, comme l'atteste le règlement du gymnase de Béroia.
Le développement de l'insécurité
Après la destruction du royaume de Macédoine, celui des Séleucides, amoindri et appauvri, connut une lente agonie, dont profitèrent pour s'épanouir non seulement Pergame, mais aussi les royaumes hellénisés de Bithynie, de Cappadoce et du Pont, sans oublier en Palestine celui des Tobiades, tandis qu'Alexandrie jetait ses derniers feux. Mais aucun de ces États, pas plus d'ailleurs que Rhodes, n'avait plus les moyens d'entretenir une flotte capable de maintenir la sécurité dans le bassin oriental de la Méditerranée et encore moins dans l'Adriatique, où sévissaient les Illyriens. Endémique en Cilicie et en Crète, la piraterie connut un prompt développement dans la seconde moitié du iiie siècle avant J.-C., avant de provoquer, à la faveur des guerres mithridatiques, une interruption complète des liaisons internationales. On voit ainsi que, s'il existait une demande vigoureuse propice au développement des échanges, la piraterie constituait un frein, de plus en plus puissant. C'est donc une image contrastée que nous offre le monde hellénistique. Certes, le cadre juridique, avec la multiplication des décrets organisant l'hospitalité (proxénie) et l'égalité des droits (isopolitie), facilitait les déplacements, donc les échanges ; certes, il était rassurant que les prisonniers des pirates fussent souvent rendus contre rançon ; certes, il existait à Délos et ailleurs des associations de marchands, regroupés par nationalités autour de leurs dieux. Mais il est difficile d'apprécier l'efficacité de cette entraide devant la montée de l'insécurité.
Une agriculture productrice de revenus fiscaux
Toute l'économie du monde hellénistique continuait à reposer sur une agriculture dont une littérature spécialisée, non seulement grecque, mais aussi punique, développa la théorie : le corpus[...]
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Écrit par
- Paul GOUKOWSKY : correspondant de l'Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), professeur de langue et littérature grecques à l'université de Nancy-II
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