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RURALE CIVILISATION

La civilisation rurale se définit d'abord par oppositions. Qui dit campagne dit villes ; qui dit paysan dit citadins. La civilisation rurale est un tissu monotone qui rapproche les uns des autres un certain nombre de groupes cellulaires, villages, paroisses ou communes, ces groupes étant, selon les cas, englobés ou dominés par des pouvoirs ou (et) par des forces économiques et sociales qui sont extérieures ou supérieures aux cellules en question. Parmi ces pouvoirs et forces, qui coexistent ou qui se succèdent les uns aux autres, on peut citer la féodalité, les villes, les États, le commerce et l'industrie, le capitalisme, les bureaucraties partisane ou policière, etc. Chaque village, comme le note H. Mendras, est donc flanqué d'une société environnante (les autres villages) et d'une société englobante ou dominante (citadins, féodaux, capitalistes, bureaucrates, prêtres ou policiers).

Histoire stratigraphique de la civilisation rurale

La civilisation rurale est d'abord le produit d'une histoire (nous nous intéressons, de ce point de vue, au cas ouest-européen, et spécialement au cas français : il est utile et commode, parce que bien connu). Cette histoire est stratigraphique : l'apport spécifique qu'elle reçoit de chaque siècle ou groupe de siècles et de chaque millénaire n'est pas annulé, mais il est simplement recouvert, ou tout au plus érodé, et malmené par l'apport des périodes ultérieures. La somme de ces apports, avant même qu'il soit possible de les comprendre dans leur arrangement structural, doit donc se lire comme une coupe géologique : de bas en haut, si l'on est historien ; et de haut en bas, si l'on est géographe ou ethnologue. Le cas des paysanneries occidentales est très éloquent à ce propos : leurs sociétés constituent des édifices d'une grande complexité ; pendant leur phase d'expansion maximale (xive-xixe s.), elles mettent en jeu des apports, anciens ou neufs, qui sont représentatifs de près d'une dizaine de millénaires. En Provence par exemple, la domestication locale du mouton sauvage, engagée de longue date, devient un fait acquis à partir de 6000 avant J.-C.

Les peuples de la culture « cardiale » puis les Chasséens, qui sont à l'origine de ces innovations « moutonnières », disparaîtront en tant que tels, mais leurs contributions agricoles resteront à tout jamais incrustées dans la grande province du Midi. Les cultures passent, les apports culturels demeurent.

Les innovations

Nouvelles plantes et méthodes de culture

À partir de 2000 avant J.-C. et notamment pendant l'âge du fer (vers 500 av. J.-C. et jusqu'à l'époque de l'Empire romain), une nouvelle vague d'innovations se répand pour toujours dans la civilisation rurale d'Occident. Avoines et surtout seigles, qui donneront pendant longtemps sa couleur au pain noir des paysans d'Europe, viennent compléter la panoplie des céréales disponibles, jusqu'alors bornée à l'orge et au froment. Les blés de printemps, pères lointains de cet assolement biennal qui connaîtra une immense fortune, font eux aussi une timide apparition ; et avec eux, les fèves, les pois, les lentilles et autres légumineuses : elles fournissent des protéines végétales aux humains, et elles implantent dans les sols l'azote atmosphérique comme fertilisant. Dans la seconde moitié du dernier millénaire avant J.-C. arrivent aussi sur les rivages actuellement français de la Méditerranée, propagés par les Rhodiens, les vignes et l'art de la greffe : les origines helléniques de celui-ci se sont conservées dans le mot dialectal français enter (allemand impfen) qui veut dire greffer, et qui vient du grec emphuteueïn. La greffe permet la production massive de châtaignes et de noix, sources de glucides et de lipides pour le populaire. La vigne, elle, est un apport[...]

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