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RURALE CIVILISATION

L'âge classique de la civilisation rurale

À partir du xive siècle, et jusqu'au début du xviiie, puis de nouveau pendant la période 1720-1860 (voire 1720-1913 en ce qui concerne la France), il devient possible d'observer la civilisation rurale pour ainsi dire in vitro, sinon « au repos »... Certes, elle reste agitée par des fluctuations négatives et gigantesques (notamment entre 1340 et 1450 en Occident et aussi entre 1630 et 1660 en Allemagne et même en France). Mais, entre 1300 et 1700, le temps des très grands progrès semble passé. Les défricheurs, vers 1300, ont atteint une sorte de limite qu'ils dépasseront certes par la suite, mais d'assez peu, et seulement aux xviiie et xixe siècles. Le cercle vert des forêts subsistantes ne reculera plus beaucoup, désormais, au profit des grandes clairières. Quant aux populations rurales, elles sont stabilisées. Elles fluctuent certes. Mais elles ne dépasseront guère, jusque vers 1720-1730, le niveau qu'elles avaient atteint une première fois vers 1300-1310. Ainsi, crispée, bloquée, stabilisée « au plafond », la civilisation rurale, en son âge classique, avant sa désintégration progressive par la société industrielle ou postindustrielle, se prête convenablement à l'observation structurale, et à la description fonctionnelle.

L'équilibre démographique

La civilisation rurale, par exemple au xviie siècle (mais ce siècle présente beaucoup de caractéristiques qu'on trouverait déjà à la fin du Moyen Âge et encore au xviiie...), c'est d'abord une démographie. Et cela, bien avant d'être un art du bois ou un style du vêtement ou une littérature populaire, ou telle autre spécialité folklorique à laquelle on penserait d'abord en prononçant les mots « civilisation rurale ».

Cette démographie est une démographie d'équilibre ; ou du moins, tant bien que mal, elle tend vers un certain équilibre. (Une telle observation, à vrai dire, vaut surtout pour l'Occident ; en Chine, au contraire, les sociétés paysannes semblent douées de facultés d'expansion du peuplement extraordinaires. Mais il est vrai que l'on ne dispose pas – et pour cause ! –, dans l'Empire du Milieu, des registres paroissiaux qui permettraient de jauger le cas chinois.)

Une forte mortalité

En Occident, l'équilibre du peuplement, et le blocage démographique de la civilisation rurale sont obtenus d'abord, de façon naturelle et cruelle, par la mort. Celle-ci agit par l'intermédiaire des famines et des crises de subsistances ; de temps à autre, les mauvaises saisons – par exemple les années froides et humides du xviie siècle – font geler ou pourrir les moissons, et donc périr des millions d'hommes en Europe de l'Ouest. Mais davantage, peut-être, pèse l'impact des épidémies : la peste d'abord. Depuis la grande phase « d'unification microbienne du monde » eurasiatico-américaine, la peste hante les campagnes d'Occident, dans lesquelles elle est propagée grâce au réseau des routes et des villes, nids à rats, puces et microbes, et plaques tournantes des contagions. Et puis, avant même la disparition européenne des pestes (enregistrée vers 1670-1720), et plus encore après celle-ci, on doit compter avec les dysenteries effroyables, qui déciment des villages entiers ; avec la variole, qui revient tous les trois ou cinq ans pour tuer les petits enfants ; avec les maladies pulmonaires pendant l'hiver et intestinales pendant l'été, sans oublier le typhus, la thyphoïde, la syphilis, la noyade et les loups... et tout ce qui fait que dans une province apparemment charmante et riante comme l'Anjou, la population reste stationnaire pendant tout le xviiie siècle : à cause des épidémies, et en dépit de l'expansion démographique qui, dès cette époque, se poursuit partout ailleurs.

Spécialement[...]

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