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RURALE CIVILISATION

Les structures économiques

Économie de subsistance et économie de surplus

Les structures économiques de la civilisation rurale sont fondées sur la coexistence d'une économie de subsistance, qui s'incarne dans les petits lopins du paysan, et d'une économie du surplus (ou pour le moins du surplus alimentaire... ; car, en ce qui concerne le surplus monétaire, le lopin précité fournit lui aussi sa quote-part) ; cette seconde catégorie (celle du « surplus ») est fondée sur des domaines moyens ou étendus qui sont généralement possédés par des nobles, par des clercs, ou par des bourgeois citadins : les uns et les autres exploitent leurs vastes terres quelquefois eux-mêmes, et généralement grâce à des fermiers ou à des métayers.

Bien entendu ce schéma souffre de nombreuses exceptions, qui le complètent et qui le nuancent sans pour autant l'infirmer tout à fait. Les dîmes et autres redevances qui prélèvent du grain chez les petits possédants l'offrent finalement à la consommation des citadins ; les petites parcelles des vignerons et des jardiniers, d'autre part, ne sont pas destinées à satisfaire l'autoconsommation paysanne, mais bien davantage aux marchés urbains. Et, s'agissant des grands domaines, ce n'est pas toujours la portion frumentaire de leur production qui voyage le plus vers les halles de la ville proche. Le blé des grands, bien souvent, est consommé, au moins dans les régions arriérées, par la maisonnée des maîtres ; ou bien, il est acheté, tant bien que mal, par les journaliers du village proche, dont les minuscules « propriétés » sont insuffisantes pour faire subsister une famille, ou encore il est mangé sur place... par les rats ou par les charançons dans les granges. En fait, dans les régions périphériques, comme le Cotentin par exemple, les grands domaines sont vendeurs de bétail plus que de grain : bœufs, veaux et porcs se déplacent plus facilement vers les villes que ne le feraient, le long des mauvaises pistes, les chariots chargés de grain.

Les phénomènes de feedback

Dans le trend, l'économie agricole de la civilisation rurale peut également être considérée du point de vue de ses mécanismes d'équilibre : les phénomènes de rétroaction ou de feedback permettent en effet, en cas de dérèglements accidentels ou momentanés du système, de ramener celui-ci à la position stable vers laquelle il tend du fait même de ses structures. De très grands exemples historiques, étalés sur plusieurs siècles, montrent la civilisation rurale s'écartant largement de cette « position d'équilibre », pour ensuite y retourner de façon graduelle.

Soit par exemple la série des catastrophes en chaîne, pestes successives, guerre de « Cent Ans », famines conséquentes ou concomitantes, qui, multipliées les unes par les autres, détruisent, à partir de 1348 surtout, l'architecture savante de l'économie et de la démographie rurales telle qu'elle s'était établie en Occident depuis le xiiie siècle et l'époque gothique. Essentiellement agreste, la population « française », évaluée dans le cadre des frontières actuelle, dépassait vraisemblablement 17 millions d'habitants vers 1320-1330. Elle tombe à moins de 10 millions d'âmes, et peut-être à beaucoup moins que ce chiffre, vers 1440. Du coup se révèlent, dans l'économie rurale, des mécanismes qui, vers 1460-1480, s'avèrent graduellement compensateurs : en un monde désormais vide d'hommes, les lopins des quelques paysans survivants s'agrandissent : ils phagocytent, en effet, par le jeu des héritages concentrés sur un légataire unique, les petits lopins des disparus. Sur ces possessions devenues plus vastes, les exploitants vivent mieux, le malheur des uns contribuant au bonheur des autres. Plus généralement, sur les terroirs des villages qui furent entièrement désertés du fait de la dépopulation, les forêts, vers 1450,[...]

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