SIMON CLAIRE (1955- )
Pour la cinéaste Claire Simon, filmer c’est croire dans le pouvoir de révélation du cinéma, affirmer sa qualité de présence grâce à laquelle une action peut devenir une histoire, un humain un héros. Née en juillet 1955 à Londres, elle passe son enfance dans le haut Var puis étudie l’ethnologie, une pratique du « regard éloigné » (Lévi-Strauss) qui ne sera pas sans incidence sur son travail. Dès 1976, elle travaille comme monteuse et réalise en toute liberté une dizaine de courts-métrages avant de se révéler brillamment avec Récréations (1992), où elle montre des enfants de maternelle s’amusant en dehors de toute intervention de la part des adultes. Rien n’est plus sérieux que leurs jeux, le film captant des rapports surprenants et comme extérieurs aux modèles codifiés de la communication. Que peuvent-ils penser, pourquoi se comportent-ils ainsi ? La psychologie enfantine demeure ici une énigme fascinante et par là même un peu inquiétante. C’est ainsi que Claire Simon élabore une filmographie entre cinéma direct et fiction, âpre, exigeante, très personnelle et toujours réinventée. Si chaque film aborde un sujet neuf, la réalisatrice développe surtout à chaque fois une nouvelle idée de film.
Un réel riche de fictions
Ses deux réalisations de fiction comportant des scénarios écrits et des comédiens ont été sélectionnées à la Quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes. Dans Sinon,oui (1997), pour retenir son mari, une femme en vient à simuler une grossesse puis à voler un enfant, mais rien ne se passe comme elle l’avait prévu. Ça brûle (2006) s’attache à une très jeune vacancière en Provence qui veut séduire le pompier qui l’a secourue après sa chute de cheval, la cinéaste saisissant avec justesse les émois et les provocations de jeunes adolescents. Mais en fait, c’est par la vérité et l’originalité de ses documentaires que son travail s’impose essentiellement : devant le vécu des situations et des protagonistes qu’elle filme, Claire Simon cherche à capter les amorces de fiction qui nous orientent vers de possibles histoires. Pour elle, il ne s’agit pas seulement d’enregistrer le réel, mais surtout d’en faire du cinéma. Ainsi, les malheurs d’une petite entreprise de plats cuisinés conduite à la faillite dans le Midi sont filmés comme un thriller à l’américaine (Coûte quecoûte, 1996). Pour son projet sur la gare du Nord où le monde entier semble se recomposer autour d’un lieu géographique, elle livre pour la seule fois le fruit de sa recherche dans un exposé classique (Géographie humaine, 2013). Mais le film distribué en salles – Gare du Nord (2013) – dramatise pour sa part l’omniprésence des flux anonymes en faisant interpréter à une douzaine d’acteurs professionnels, dont Nicole Garcia, François Damiens, Reda Kateb, quelques ébauches fictionnelles qui confèrent par mimétisme au flot des visages anonymes qui les entourent une multitude de destins possibles. De même, au planning familial (Les Bureaux deDieu, 2008), elle demande à des comédiens (Nathalie Baye, Isabelle Carré, Michel Boujenah) de prendre la place des conseillères ou des médecins pour recevoir aux guichets des actrices non professionnelles, porteuses d'histoires réelles recueillies avant le tournage dans plusieurs bureaux, entre 2000 et 2007. La fiction croise ici la réalité à l’intérieur du même plan.
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Écrit par
- René PRÉDAL : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen
Classification
Média