LAUGHLIN CLARENCE JOHN (1905-1985)
La photographie n'était pas le premier centre d'intérêt de Clarence John Laughlin. Auteur prolixe, il a réalisé plus de deux cents expositions mais le milieu photographique l'a toujours considéré comme un artiste marginal. Œil torturé, amateur d'étrange, de littérature et de musique, il apparaît aujourd'hui comme un représentant unique de ce que le surréalisme, au-delà de mises en scène d'un goût parfois douteux, a pu produire en photographie. Attiré par la métaphysique et fréquentant souvent les cimetières, il transforme, par son cadrage et son sens de la lumière, une couronne mortuaire en insecte inquiétant, place dans des ruines paisibles une femme voilée qui porte un cadre à hauteur du visage donnant l'impression étrange que son portrait la précède, et métamorphose une croix de fer battu en sculpture contemporaine. Ce qui le passionne, en fait, c'est de subvertir, par des jeux de miroirs, d'ombres, de cadrages, par une attention soutenue envers les nuages et un sens certain de la mise en scène, ce que son œil ou son objectif rencontrent. On pourra le trouver trop affecté, trop « littéraire » par rapport aux conventions de l'image, il est néanmoins l'un des premiers à avoir refusé la dictature du réel, en des temps de photo-journalisme triomphant, et à avoir mis en doute tout ce qui pouvait ressembler à de l'objectivité photographique. On a souvent dit de lui qu'il professait une propension à l'étrange, il serait plus exact de penser qu'il adorait jouer avec les tricheries de la photographie pour inventer des images.
Né à New Iberia, en Louisiane, en 1905, Laughlin se passionne d'abord pour la littérature et ne commence à photographier qu'en 1936. Il se préoccupe de métaphysique, de philosophie, d'architecture, de poésie romantique et symboliste. Dès ses premiers clichés de maisons anciennes de La Nouvelle-Orléans, il recherche les détails et les points de vue non conventionnels et certains spectateurs ont des réactions de rejet devant ces maisons que certains disent « hantées ». Clarence John Laughlin travaille ensuite pour divers magazines, Vogue entre autres, et pour les Archives nationales, à Washington. En 1942, il s'engage pour quatre ans dans l'armée et devient un spécialiste précoce de la photographie en couleurs. Collaborateur d'un nombre considérable de revues, tant comme auteur que comme photographe, il s'attache à rester inclassable. Esthète et apparemment dilettante, il parcourt l'Europe et les États-Unis, d'expositions en cimetières et d'architectures en lieux culturels.
Personnage baroque, contradictoire, complexe, il explore avec la photographie un territoire comparable – ou parallèle – à celui de Faulkner en littérature. Il résumait assez bien sa position en affirmant, contre les tenants de la photographie « documentaire » : « Dans la rue, sous chaque façade, il y a des choses innommées. Elles ne demandent qu'à monter au jour – si on les photographie. J'essaie de déchirer un fragment de ces surfaces pour aller plus profond : il y a des mondes qui nous entourent. La photographie traite de l'inconnu. » Irréductible rêveur, ne s'intéressant à la photographie que dans la mesure où elle perturbe la vision « normale », Clarence John Laughlin est l'un des fondateurs de la photographie littéraire américaine.
Bibliographie
New Orleans and its Living Past, Houghton Mifflin, Boston (Mass.), 1941 / Photographs of Victorian Chicago, Corcoran Gallery of Art, Washington (D.C.), 1968 / C J. Laughlin, The Personal Eye, Aperture, Millerton (N.Y.), 1973 ; Lost Louisiana, Viking Press, New York, 1977
C. .J Laughlin, Galerie municipale du Château-d'Eau de Toulouse, catal. expos., 1980.
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Écrit par
- Christian CAUJOLLE : directeur artistique de l'agence et de la galerie Vu, Paris
Classification
Autres références
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PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple
- Écrit par Hervé LE GOFF et Jean-Claude LEMAGNY
- 10 750 mots
- 20 médias
...tels que Salvador Dalí ou Man Ray, lui-même photographe. Bien plus importantes pour la période contemporaine sont les œuvres du poétique Américain Clarence Laughlin, ses paysages mélancoliques de Louisiane, l'univers hanté du grand aîné Josef Sudek, le vieux magicien de Prague, et le monde,...