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GABLE CLARK (1901-1960)

Une figure héroïque

Parmi de nombreux films d'action dont il est parfois le seul atout, Clark Gable, comme son rival bondissant de toujours, Errol Flynn, a trouvé en Raoul Walsh un réalisateur capable de cerner sa véritable personnalité. Dans The Tall Men (Les Implacables, 1955), il interprète le rôle de l'ancien combattant sudiste Ben, qui aspire à la paix et au repos, qu'il trouvera dans les bras d'une plantureuse aventurière (Jane Russell) déçue par ses rivaux, Clint (Cameron Mitchell), représentant du vieil esprit de la « frontière », et Nathan (Robert Ryan), sans foi ni loi, tenant de la dérive morale de l'Amérique moderne. Gable ne cherche guère à séduire : il lui suffit d'attendre que son désir paisible touche la conquérante, devenue enfin lucide. Ainsi, le héros de The King and Four Queens (Le Roi et quatre reines, 1956), Dan Kehoe, est la proie du désir des quatre brus de Ma MacDade qui veille sur leur vertu comme sur le magot caché dans le ranch par ses fils, pilleurs de diligence. Sans effort, Clark Gable devient ainsi l'objet des manigances des jeunes femmes, qu'il accueille avec une satisfaction ironique qui pourrait être graveleuse mais que son attitude éloigne de toute vulgarité en battant en brèche la pudibonderie de rigueur à l'époque. Quand au planteur Hamish Bond de Band of Angels (L'Esclave libre, 1957), il vient en droite ligne du personnage de Rhett Butler. Mais Walsh met à nu les mécanismes et exhibe les conventions du film de Fleming. La noblesse de Bond, non exempte d'un dandysme spécifiquement sudiste, tient tout autant à son attitude philanthrope à l'égard de l'esclave dont il est tombé amoureux (Yvonne De Carlo) qu'à l'aveu lucide de son passé de négrier.

Autant en emporte le vent, V. Fleming - crédits : MoviePix/ Silver Screen Collection/ Getty Images

Autant en emporte le vent, V. Fleming

Lorsque le producteur David O. Selznick entreprit la réalisation d'Autant en emporte le vent (1939), la M.G.M. lança un sondage pour déterminer, qui pouvait être la meilleure interprète de Scarlett. En revanche, la question ne se posa à aucun moment pour le rôle de Rhett Butler, malgré l'importance du cachet de Clark Gable. Le public n'était pas le seul à être séduit par la personnalité de l'acteur, qui comptait alors une cinquantaine de films à son actif. Il était, dit-on, apprécié de tous dans le milieu professionnel pourtant impitoyable de Hollywood, tant il pouvait être aussi impulsif et généreux dans la vie qu'à l'écran. Dans ses mémoires, Billie Holiday rapporte que Gable assomma un blanc qui refusait à la chanteuse l'accès de son établissement. La forte personnalité de l'acteur se manifestait de façon identique dans la vie et à l'écran. D'où le sentiment de « naturel » que ressentait le public face à ce personnage hors du commun. Mais le destin le lui fit payer cher. Il formait avec la très sophistiquée Carole Lombard un couple admiré, lié par une passion qui ne relevait en rien des services de publicité de la M.G.M. La jeune femme disparut en 1942 dans un accident d'avion, lors d'une tournée de propagande destinée à soutenir la guerre contre l'Allemagne. Pendant quatre ans, Gable abandonna le cinéma pour se consacrer au service armé.

Le souvenir de ce drame et l'alcool marquèrent progressivement la carrière, le personnage et le visage de Clark Gable, que l'on pouvait croire fini après quelques films vite oubliés. Pourtant, c'est grâce à un autre aventurier du cinéma, John Huston, que l'acteur allait tourner dans un dernier chef-d'œuvre, le mythique Misfits (Les Désaxés, 1961), avec Marilyn Monroe et Montgomery Clift. Mythique, parce que ces trois stars allaient disparaître peu après le tournage, et parce que le film propose l'image d'une Amérique qui tourne une page héroïque de son histoire, celle qui ignorait encore la mauvaise conscience. Clark Gable y tire sa révérence avec[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

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Média

Autant en emporte le vent, V. Fleming - crédits : MoviePix/ Silver Screen Collection/ Getty Images

Autant en emporte le vent, V. Fleming

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