- 1. La conception marxiste des classes sociales
- 2. Une référence centrale et controversée
- 3. La critique wébérienne de la conception marxiste
- 4. Les critiques dominantes de la conception marxiste
- 5. Bourdieu, Marx et Weber
- 6. Conditions sociales, habitus et styles de vie
- 7. Champs et classes sociales
- 8. Classes sur le papier et classes mobilisées
- 9. Bibliographie indicative
CLASSES SOCIALES Penser les classes sociales
Classes sur le papier et classes mobilisées
Construites à partir de l'espace des positions, les « classes probables » (dans la mesure où elles se prêtent à des entreprises de mobilisation) n'existent pas nécessairement comme groupe réels, bien qu'elles expliquent la possibilité de les mobiliser (cela sans exclure d'autres rassemblements et d'autres divisions inégalement probables). Pour rendre compte du passage de la « classe probable » à la « classe mobilisée », de la « classe en soi » à la « classe pour soi » dans la terminologie de Gyōrgy Lukács (1923), il faut analyser le travail politique qui parvient à produire, sinon la classe mobilisée, du moins la croyance en l'existence de la classe, qui fonde l'autorité de ses porte-parole.
Dans ce travail politique, il s'agit d'abord d'expliciter une expérience partagée du monde social, plus proche d'un « inconscient de classe » que de la « conscience de classe » au sens marxiste – le sense of one's place d'Erving Goffman –, et de faire le groupe en faisant le sens commun, le consensus explicite du groupe. La mobilisation passe ainsi par l'explicitation dans un discours à la fois public et commun de ce qui existait à l'état pratique dans les dispositions : elle permet la rencontre de l'ethos avec un logos capable de le révéler à lui-même.
Il faut ensuite analyser le processus de délégation dans lequel le mandataire (secrétaire de parti ou de syndicat) reçoit du groupe le pouvoir de faire le groupe (cette relation circulaire étant au principe de l'illusion charismatique). Le porte-parole, doté du pouvoir de parler et d'agir au nom du groupe et d'abord sur le groupe, personnifie ce dernier : il lui permet d'agir et de parler « comme un seul homme ». Par ailleurs, il assure la continuité du groupe, en dépit de la discontinuité dans le temps du groupe mobilisé. De ce point de vue, le parti, institution permanente de représentation et de mobilisation (avec ses bureaux, son sigle, ses signatures et ses délégations de signature, etc.), est la condition d'existence de la classe, dont la permanence est assurée par les permanents.
Enfin, le travail de représentation est un travail de politisation. S'il est vrai que c'est la classe qui fait le porte-parole, il est non moins vrai que le porte-parole fait la classe, en élaborant un « programme » qui est la condition de la mobilisation collective autour de « problèmes communs » et des actions que la classe mobilisée peut entreprendre pour transformer le monde social conformément à ses intérêts.
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Écrit par
- Gérard MAUGER : directeur de recherche émérite au CNRS
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