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CLASSICISME, art grec

La périodisation de la civilisation grecque remonte à une époque où la connaissance des textes était beaucoup plus avancée que celle des monuments ; ce sont donc les événements relatés par ces textes qui ont fourni le cadre chronologique de ses diverses époques. La période dite classique, qui correspond à l'apogée et au déclin des cités, s'étend ainsi des guerres médiques contre la Perse (490- 479) à la mort d'Alexandre (323). Or on a recouru paradoxalement pour la définir à un qualificatif — « classique » — qui n'a aucun sens historique : c'est une notion normative empruntée aux auteurs latins d'époque impériale, qui désignent ainsi des écrivains de première classe, c'est-à-dire qui méritent d'être étudiés et imités. Transposée dans les arts plastiques, la période classique sera donc celle dont les créations exemplaires servent de modèle. Sans doute cela est-il vrai schématiquement de l'art des ve et ive siècles, qui a bien été imité et varié dans l'Antiquité et depuis la Renaissance. Encore l'a-t-il été très inégalement — et le style parthénonien moins que tout autre, bien qu'il apparaisse depuis sa redécouverte, au xixe siècle, comme le parangon même d'un art classique ; qui plus est, l'art de l'époque archaïque a été, lui aussi, abondamment copié et repris par les Anciens, en sorte que la période dite classique ne recouvre pas l'extension historique du phénomène.

Terme flou et assez primitif, qui désigne une position esthétique rétrospective, plus culturelle que créatrice, la notion de classicisme appliquée aux ve et ive siècles a surtout pour effet de minimiser, voire d'occulter, la diversité des phénomènes stylistiques qui se produisent durant cette période de très grande créativité. Alors que l'étude de la céramique attique décorée, puis de la sculpture, a conduit, dès la seconde moitié du xixe siècle, à distinguer trois moments dans l'évolution des arts au ve siècle (Styles sévère, libre et riche correspondant à trois phases : préclassique, classique et postclassique), le souci de caractériser précisément l'évolution de l'art grec s'est arrêté au seuil du ive siècle, puisqu'on se contente d'habitude de le désigner du terme insignifiant de « second classicisme », qui le réduit à l'état d'appendice indifférencié du ve siècle.

Le premier tiers du ive siècle est une période singulière dans l'art grec : la créativité qui l'avait constamment renouvelé depuis le viiie siècle s'assoupit ; aucun artiste d'envergure, aucune tendance nouvelle n'apparaissent. Alors qu'en architecture un bâtiment exceptionnel comme la rotonde (tholos) de Delphes confirme l'attention portée désormais à l'espace intérieur, dans les arts plastiques règnent, d'une part, un académisme de bon aloi, qui prolonge le style parthénonien et le formalisme de Polyclète, et, d'autre part, le maniérisme de plus en plus convenu né en Attique dans l'exaltation du marbre maîtrisé. Faute d'un style d'époque, voici donc que coexistent deux styles successifs, mais dans des registres différents : le classicisme de Phidias et de Polyclète, pour les statues cultuelles et commémoratives ; le maniérisme « fin de siècle » pour la sculpture monumentale et les arts mineurs, céramique et toreutique. Cette situation est-elle le contrecoup des tensions très fortes qui ont parcouru le monde grec, aussi bien dans le champ esthétique que dans le champ historique, durant le ve siècle ? Après une évolution si rapide, si contrastée, une pause était peut-être inévitable. La suite allait en tout cas montrer que l'art grec avait encore des nouveautés considérables à produire.

Étant donné le déclin de la céramique à[...]

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Écrit par

  • : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre

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Autres références

  • RENOUVELLEMENT DE LA SCULPTURE GRECQUE

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    • 190 mots
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