CLASSICISME, musique
Le terme « classicisme » est un véritable creuset sémantique : d'un point de vue esthétique, il représente une perfection achevée élevée au rang de modèle ; d'un point de vue littéraire et plastique, il correspond à l'Antiquité gréco-latine en tant que fondement de la civilisation et de l'éducation, bien avant de s'attacher aux productions du règne de Louis XIV ; en danse, il désigne les ballets avec pointes et tutus blancs. Mais, en musique, c'est vers l'école viennoise (point de rencontre des influences française, italienne et allemande) de la fin de la seconde moitié du xviiie siècle qu'il va falloir se tourner. Et envisager trois figures fondamentales : Joseph Haydn (1732-1809), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) et Ludwig van Beethoven (1770-1827).
On a l'habitude de considérer les années 1740-1770 comme représentatives de la période de style « galant », transition entre le baroque moribond et le classicisme, équilibrant charme et naturel, grâce et élégance, alacrité et mélancolie en de justes proportions. Les années 1750-1760 correspondent à l'apogée de la philosophie et du rationalisme des Lumières, l'Aufklärung en Allemagne. La période 1740-1760 marque l'avènement de l'Empfindsamkeit, le mouvement de la « sensibilité ». Dès 1770, le préromantique mouvement Sturm und Drang (« Tempête et Élan ») réveille la conscience nationale allemande et favorise la quête de son identité, ce dont Mozart saura se souvenir. Le classicisme proprement dit, imprégné des phases précédentes, s'étend de 1770 à 1800 environ, encore que ses prolongements puissent s'enfoncer plus loin encore, jusqu'à la mort de Beethoven par exemple, et intégrer le jeune Schubert, pétri de l'héritage mozartien – sans compter que l'on estime que Mendelssohn et Chopin sont les derniers représentants des classiques !
Les notions fondamentales d'équilibre du fond et de la forme, d'unité et de symétrie, d'ordre et de mesure des proportions, la perfection du contenu et l'économie des moyens (le fameux « rien de trop » dans la recherche de l'épure), mais aussi le simple et le durable, le naturel et le goût infaillible, l'accord entre la raison et la passion, l'expression de l'universel dans le particulier sont autant de caractères partout repris indiquant les marques de fabrique du style ; mais, aussi et surtout, une sorte d'évidence de la science musicale qui fait songer qu'il ne pouvait en être autrement, et qui laisse désarmé devant tant de candide souveraineté. L'on rejoint ainsi l'étymologie du mot, classicus, « de premier ordre ».
D'un point de vue formel, les lettres de noblesse sont gagnées avec la sonate classique, autosignifiante et expressive sans le truchement des mots, stabilisée en trois ou quatre mouvements. Le premier adopte la fameuse forme sonate à la structure tripartite, dotée de barres de reprise assurant une autre cohésion interne : une exposition bithématique, c'est-à-dire à deux thèmes opposés (le second au ton de la dominante), qui seront pour Beethoven l'occasion idéale de tensions et de contrastes (ce qui n'implique pas la disparition de la sonate monothématique : Haydn, Muzio Clementi et Beethoven encore le prouvent bien) ; un développement propice au travail thématique, rythmique et tonal (la forme sonate sans développement affectant le plus souvent les mouvements lents) ; une réexposition au ton initial. Il ne faut pourtant pas y voir de systématisme. Transformant le menuet du troisième mouvement en scherzo, Beethoven portera ce genre et cette forme à leur sommet, renouvelant architecture et expressivité avec une imagination qui ne cessera de remplir les générations ultérieures de confuse admiration.
Le classicisme musical marque aussi l'apogée[...]
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Écrit par
- Sophie COMET : professeur au Conservatoire de Bourg-la-Reine
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