BERNARD CLAUDE (1813-1878)
Le « milieu intérieur »
Les recherches de Claude Bernard sur la digestion et la fonction glycogénique du foie l'ont progressivement conduit vers l'élaboration du concept de « milieu intérieur ». Ce concept, totalement original, constitue le pivot de la nouvelle physiologie qu'il voulait créer, discipline autonome au sein des sciences de la vie, intégrant les données anatomiques, histologiques et physico-chimiques disponibles à l'époque.
Claude Bernard proposa d'abord le sang comme « milieu intermédiaire » entre le milieu extérieur où se développent les organismes entiers et le « milieu organique » où subsistent les organes, tissus et cellules constituant ces organismes. Ces tissus présentaient chacun une « vie élémentaire » selon la formule de Bichat. Le milieu extérieur fournit aux êtres vivants les aliments, l'oxygène, l'eau, les sels minéraux qui leur sont nécessaires et détermine les conditions physiques (pression, température, éclairement) dans lesquelles ils croissent et se reproduisent. De son côté, le sang, constamment enrichi des produits absorbés par l'intestin, c'est-à-dire des aliments transformés par les sucs digestifs, enrichi également par les produits de sécrétion des glandes de l'appareil digestif (le foie, le pancréas), épuré par l'action des organes excréteurs (reins, glandes sudoripares), constitue le « milieu intermédiaire » dans lequel les tissus actifs puisent véritablement leurs nutriments et leur oxygène et excrètent leurs déchets inassimilables ainsi que le dioxyde de carbone issu de la respiration.
De ce « milieu intermédiaire » constitué par le sang, Claude Bernard passera progressivement à l'idée de « milieu intérieur », constitué par tous les liquides de l'organisme (sang, lymphe, sérum, sérosités...) dans lesquels baignent tous les éléments figurés : organes, tissus et cellules. L'expression « milieu intérieur » apparaît pour la première fois dans les leçons données dans le cadre de la chaire de physiologie générale qui avait été créée pour lui, à la Sorbonne :
« ... On voit un être vivant naître, enseignait Claude Bernard, se développer, devenir malade et mourir sans que cependant les conditions du monde extérieur changent pour l'observateur et réciproquement. [...] Cette sorte d'indépendance que possède l'organisme dans le milieu extérieur vient de ce que, chez l'être vivant, les tissus sont en réalité soustraits aux influences extérieures directes et qu'ils sont protégés par un véritable milieu intérieur qui est constitué par les liquides qui circulent dans le corps. Cette indépendance devient d'ailleurs d'autant plus grande que l'être est plus élevé dans l'échelle de l'organisation, c'est-à-dire qu'il possède un milieu intérieur plus complètement protecteur » (Leçons sur les propriétés physiologiques et les altérations pathologiques des liquides de l'organisme, 1859).
Ses réflexions ultérieures sur la vie des organismes amèneront Claude Bernard à dégager la notion supplémentaire de « fixité du milieu intérieur » et à esquisser les mécanismes de régulation physiologique assurant la constance de ce milieu. Pour le physiologiste, c'était le système nerveux qui jouait le rôle essentiel dans cette régulation (voir Recherches sur le système nerveux). Mais les phénomènes métaboliques liés à la digestion ou à la respiration jouaient aussi un rôle important dans la composition du milieu intérieur. À l'occasion de recherches menées sur l'asphyxie par le monoxyde de carbone, Claude Bernard montra que l'hémoglobine du sang fixe l'oxygène au niveau des poumons et libère cet oxygène au niveau des tissus. Cette transformation constante d'hémoglobine en oxyhémoglobine, et réciproquement, donne bien une image dynamique de[...]
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Écrit par
- Paul MAZLIAK : professeur honoraire de biologie cellulaire, université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
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