BERNARD CLAUDE (1813-1878)
La médecine expérimentale
C'est au cours d'une convalescence dans son village natal de Saint-Julien, en 1864-1865, que Claude Bernard rédigea les premières lignes de son célèbre ouvrage sur la médecine expérimentale. Il l'envisageait en trois volumes. Le premier volume, Introduction à l'étude de la médecine expérimentale (publiée à Paris, en 1865), comprend trois parties : « A. Principes généraux de la méthode expérimentale » (cette partie, très fréquemment rééditée, est aujourd'hui considérée comme un grand texte classique de la philosophie des sciences) ; « B et C. Application de la méthode expérimentale à l'étude des êtres vivants ». Dans ces deux autres parties, beaucoup moins souvent rééditées, Claude Bernard n'hésite pas à illustrer les principes édictés précédemment par des exemples tirés de son propre travail expérimental.
Les deux autres volumes annoncés devaient s'intituler : Principes de médecine expérimentale ; ils devaient être « uniquement consacrés au développement des procédés d'investigation expérimentale appliqués à la physiologie, à la pathologie et à la thérapeutique ». Cette partie technique et médicale de l'ouvrage n'a jamais été achevée mais quelques esquisses préparatoires ont été rassemblées dans un ouvrage publié à Paris en 1947.
L'Introduction de l'ouvrage comporte les règles générales du raisonnement expérimental, valables pour toutes les sciences de la nature. La méthode expérimentale consiste en un constant aller et retour du fait à l'idée : cet aller et retour est précisément le raisonnement expérimental. Le chercheur part d'une observation, spontanée ou provoquée, il en tire une hypothèse sur le déterminisme du phénomène observé, c'est-à-dire sur les conditions déterminant l'apparition du phénomène. En modifiant quelque peu les conditions précédentes, souvent en les simplifiant au laboratoire, le chercheur met son hypothèse à l'épreuve en organisant une expérience et en utilisant des instruments d'observation ou de mesure perfectionnés. Soit le résultat de cette expérience infirme son hypothèse et dans ce cas il doit l'abandonner ; soit le résultat confirme son hypothèse et, dans ce cas, il organise une seconde expérience qui est le plus souvent une contre-épreuve : telle absence de condition déterminante dans la production du phénomène doit entraîner l'absence de l'observation initiale.
La multiplication des résultats expérimentaux validant plusieurs hypothèses de départ permet de regrouper ces hypothèses en une théorie, ensemble de propositions coordonnées entre elles de manière à ce qu'il soit possible d'en déduire les conditions d'apparition du phénomène étudié, d'en mesurer l'intensité, etc. Lorsqu'une observation nouvelle ne peut pas entrer dans le cadre théorique ainsi élaboré, le chercheur doit abandonner l'ancienne théorie et en imaginer une nouvelle.
« La méthode expérimentale, écrit Claude Bernard, ne fait pas autre chose que porter un jugement sur les faits qui nous entourent, à l'aide d'un critérium qui n'est lui-même qu'un autre fait disposé de façon à contrôler le jugement et à donner l'expérience. Prise dans ce sens général, l'expérience est l'unique source des connaissances humaines. »
À l'occasion du centième anniversaire de la naissance du savant, Henri Bergson saluait ainsi l'œuvre de Claude Bernard : « L'Introduction à l'étude de la médecine expérimentale est un peu pour nous ce que fut, pour le xviie et le xviiie siècle, le Discours de la méthode. Dans un cas comme dans l'autre, nous nous trouvons devant un homme de génie qui a commencé par faire de grandes découvertes et qui s'est ensuite demandé comment il fallait[...]
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Écrit par
- Paul MAZLIAK : professeur honoraire de biologie cellulaire, université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
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Média
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