CHAMPAGNE CLAUDE (1891-1965)

Le compositeur et pédagogue canadien Claude Champagne est sans conteste la personnalité qui a exercé l’influence la plus considérable sur la vie musicale du Québec dans la première moitié du xx^e siècle. Son action perdure à travers les nombreux compositeurs, pédagogues et musicologues qu’il a contribué à former. « Claude Champagne fut un véritable pionnier à Montréal dans l'enseignement du solfège, de l'harmonie, du contrepoint, de la fugue, de l'orchestration et de la composition au Québec », a déclaré la musicologue québécoise Andrée Desautels.

Joseph-Arthur-Adonaï Champagne – son admiration pour Claude Debussy lui fera adopter le prénom de Claude – naît à Montréal le 27 mai 1891. Initié très jeune au folklore canadien français grâce à son grand-père paternel, qui pratique le violon en amateur, il étudie le piano dès l’âge de neuf ans environ, puis le violon à partir de 1905. Il obtient en 1909 un diplôme de piano du Conservatoire national de Montréal. Son poème symphonique Hercule et Omphale, composé en 1918, témoigne de l’influence des Russes Rimski-Korsakov, dont il a étudié le Traité d’harmonie pratique, Borodine et Moussorgski ; cette œuvre attire l’attention d’Alfred Laliberté – pianiste et compositeur disciple de Scriabine –, qui la présente à Rachmaninov ; Laliberté encourage Champagne à partir pour l’Europe.

Il y rencontre Paul Dukas, qui lui conseille d’entrer au Conservatoire de Paris, où il va étudier de 1921 à 1928 : il travaille le contrepoint et la fugue avec André Gédalge puis, après la mort de ce dernier, en 1926, avec Charles Kœchlin ; il suit les cours d’orchestration et de composition de Raoul Laparra, ceux d’esthétique musicale de Léon Algazi et se perfectionne en violon auprès du violoniste russe Julius Conus. Il fréquente la Schola cantorum, où il découvre la musique polyphonique de la Renaissance. Hercule et Omphale est créé à Paris le 31 mars 1926. Champagne compose en 1927 la Suite canadienne, pour soprano ou ténor, chœur et orchestre ; cette partition, fondée sur des thèmes folkloriques canadiens, et qui manifeste l’influence des chansons polyphoniques françaises, reçoit en 1928 le premier prix dans la catégorie cantate d’un concours de compositions inspirées de mélodies folkloriques canadiennes (Beatty International Folklore Prize) ; elle rencontre un grand succès lors de sa création à Paris, le 20 octobre 1928, par les Concerts Pasdeloup. Champagne regagne le Canada en décembre 1928.

Claude Champagne apparaît dans les années 1930 comme le porte-parole musical de la renaissance du régionalisme québécois. Il se lie d’amitié avec l’anthropologue et ethnologue Marius Barbeau, qui l’encourage à concrétiser musicalement son engouement pour les richesses traditionnelles. Champagne est alors convaincu que le folklore peut participer à la création d’un idiome musical qui ne serait ni canadien français ni canadien anglais, mais canadien tout court. Cette idée de puiser son inspiration dans ses racines n’est pas neuve ; elle répond à une recherche d’identité semblable à celle qui s’était manifestée dans les nations européennes au xix^e siècle, et à laquelle le Québec n’échappe pas. Mais une étude de l’ensemble du répertoire de Claude Champagne montre que l’influence du folklore canadien demeurera superficielle dans son œuvre. Très curieusement, en effet, Champagne n’a pas mis en pratique sa volonté d’écrire une musique spécifiquement canadienne. Il n’y a pas chez lui, comme il y a chez Béla Bartók à la même époque, assimilation des thèmes folkloriques : il les utilise sans leur apporter de notables changements mélodiques, sans en changer le rythme ; il se contente en fait de les transcrire, de les harmoniser, de les découper ou de les agencer, sans les fondre dans un langage qu’il ferait sien. Danse[...]