DORAT CLAUDE (1734-1780)
Parisien de naissance, Dorat fut, comme l'ancêtre dont il portait le nom, fécond et paresseux. On lui reprocha sa hâte à produire et une certaine propension à la négligence. « Il hasardait ses ouvrages, comme les saillies d'un homme aimable que l'occasion inspirait », dit un de ses contemporains. Pourtant, ce petit-maître valait probablement mieux que sa réputation. Il s'était lancé dans la carrière littéraire après s'être essayé au barreau et à l'armée. Le théâtre (six tragédies, sept comédies) et la poésie légère l'attirent également sans qu'il s'impose d'un côté ni de l'autre. On décèle avec peine une œuvre forte dans la cascade de ses productions Cependant, le chevalier-mousquetaire (il avait signé son premier recueil « M. D... ci-devant mousquetaire ») incarne, au moins autant que son ami Charles Pierre Colardeau (1732-1776), la détresse du lyrisme français au creux de la vague produite par l'explosion des Lumières à la charnière des deux moitiés du siècle. Sous sa frivolité se dissimule sa difficulté d'être poète en pleine crise de l'imagination créatrice. Fantaisiste, touche-à-tout, viveur, Dorat fut autant victime de sa prodigalité et de son imprévoyance que d'une opinion publique gagnée à la philosophie. Son persiflage impénitent cache mal un amour-propre toujours à l'épreuve. Il n'entra pas à l'Académie française et mourut au bord de la misère. On a parlé, non sans dérision, de l'école de Dorat ; ses disciples, à commencer par le bizarre Michel de Cubières (1752-1820 — il se faisait appeler Dorat-Cubières), sont loin de le valoir. Car il avait du talent, de l'esprit, de l'enjouement, beaucoup de malice et plus de sensibilité qu'on pourrait le croire. Sa muse sémillante paye un lourd tribut à la fugace actualité, mais, à relire ses Fantaisies, ses Torts et ses Nouveaux Torts, on se convainc qu'il reste des richesses insoupçonnées à explorer dans les petits sentiers de la poésie française du xviiie siècle.
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Écrit par
- Bernard CROQUETTE : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII
Classification
Autres références
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LIBERTINS
- Écrit par Robert ABIRACHED et Antoine ADAM
- 5 715 mots
...Crébillon fils, Confessions du comte de X... (1741), de Charles Duclos, Thémidore (1745), de Godart d'Aucourt, Les Infortunes de la vertu, de Claude Dorat, Les Liaisons dangereuses (1782), de Choderlos de Laclos, etc.), l'éducation sentimentale d'un jeune homme de seize ou dix-sept ans par une...