FOHLEN CLAUDE (1922-2008)
Claude Fohlen fut l'initiateur de l'histoire nord-américaine en France. Avant les années 1960, les États-Unis, tout comme le Canada, n'étaient pas jugés dignes de l'attention des historiens français. Dans les universités n'existait aucune chaire consacrée à l'histoire de ce continent. Les seuls à s'aventurer en direction de l'Amérique du Nord la percevaient, tel Jean-Baptiste Duroselle, dans le cadre des relations internationales ou, tel René Rémond, dans ses relations avec l'opinion publique française. Grâce à Claude Fohlen, l'histoire de l'Amérique du Nord est devenue un champ d'étude en soi.
Né le 11 mai 1922 à Mulhouse, Claude Fohlen fait des études à Nancy, Bordeaux et Toulouse avant d'être reçu premier à l'agrégation d'histoire en 1946. Il choisit l'histoire économique, alors au zénith de son prestige. Après avoir été pensionnaire de la fondation Thiers, il est assistant à la faculté des lettres de Lille, de 1949 à 1954, lorsqu'il soutient ses thèses pour le doctorat ès lettres consacrées à L'Industrie textile au temps du second Empire et à Une affaire de famille au XIXe siècle : Méquillet-Noblot, qui demeurent aujourd'hui des ouvrages de référence. Nommé à Besançon, il y enseigne jusqu'en 1967 et y dirige, entre autres publications, une Histoire de Besançon (1964). C'est durant ces années qu'il transforme un intérêt ancien pour les États-Unis en spécialisation progressive : en 1957-1958, il découvre le pays lors d'un séjour d'une année à l'université Yale, où il enseigne l'histoire de la France, et il y retourne en 1963 pour travailler à l'ouvrage qu'il prépare sur l'histoire nord-américaine.
En 1965, la publication de ce livre, L'Amérique anglo-saxonne de 1815 à nos jours, aux Presses universitaires de France dans la collection Nouvelle Clio (une 2e édition est publiée en 1969 ; une 3e édition entièrement refondue est publiée en 1997 sous le titre Canada et États-Unis depuis 1770), fait de Claude Fohlen le spécialiste français de l'histoire nord-américaine. À une époque où il n'existe pas de manuel sur le sujet en France, cet ouvrage associe une dimension pédagogique, celle de la transmission des connaissances essentielles dans le domaine, et une dimension de recherche, puisque Claude Fohlen identifie les courants historiographiques majeurs et les fronts pionniers du moment. En 1967, il est élu à la Sorbonne et choisit, après l'éclatement universitaire qui suit mai 1968, de devenir professeur à l'université de Paris-I, où il fonde et dirige, jusqu'à sa retraite en 1988, le Centre de recherche d'histoire nord-américaine.
Dans ces fonctions, Claude Fohlen s'assigne une triple tâche. Il entend d'abord développer la connaissance des États-Unis en France et publie de nombreux ouvrages – manuels, synthèses (par exemple La Société américaine, 1865-1970, 1973 ; L'Amérique de Roosevelt, 1982), biographies de Thomas Jefferson et de Benjamin Franklin, travaux sur la révolution américaine et l'histoire des Noirs. Ensuite, il met en place à Paris-I des enseignements sur l'histoire des États-Unis et du Canada, et développe des structures de formation à la recherche : une bibliothèque de qualité, un séminaire où il accueille de nombreux visiteurs. Il s'efforce enfin de préparer l'avenir de l'histoire de l'Amérique du Nord en France : si ses tentatives répétées pour développer l'histoire du Canada se heurtent, de son propre aveu, à l'indifférence des étudiants, il dirige de nombreuses thèses sur l'histoire des États-Unis et forme une bonne partie de la génération qui lui a succédé dans ce domaine. Par ailleurs, il est longtemps le président de l'Association française d'études[...]
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Écrit par
- Jean HEFFER : ancien directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- François WEIL : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
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