GRÉGORY CLAUDE (1921-2010)
Né le 8 janvier 1921 à Joinville-le-Pont sous le nom de Zalta, le futur fondateur de l'Encylopædia Universalis choisit de s'appeler Grégory lorsqu'il entre dans la Résistance. Il terminait alors des études de mathématiques, de philosophie et de lettres. Arrêté et condamné à mort par Vichy, il parvint à s'évader et à continuer la lutte, se cachant en particulier grâce à son ami et futur beau-frère, l'acteur Francis Blanche. En 1944, il entra comme critique au journal Ce Soir, quotidien fondé en 1937 par le Parti communiste français et qui allait cesser de paraître en 1953. En même temps qu'il quittait ce poste en 1949, Grégory se sépara du parti. Il rejoignit en 1952 le Club français du livre, fondé après la guerre par Stéphane Aubry et Jean-Paul Lhopital, où il devint directeur littéraire puis directeur général, travaillant avec de grands maquettistes tels que Pierre Faucheux ou Massin, et publiant des éditions intégrales qui firent date (Hugo, sous la direction de Jean Massin, Shakespeare en version bilingue, sous la direction de Pierre Leyris et Henri Evans).
Claude Grégory avait en tête des idées générales qui concernaient une possible encyclopédie quand, dans les années 1963-1964, le Club français du livre décida, sur sa proposition, de mettre en chantier ce qui allait devenir l'Encyclopædia Universalis. Il précisait : « J'ai eu la chance de n'avoir affaire qu'à deux interlocuteurs qui me firent alors confiance : Jean-Paul Lhopital et Stéphane Aubry, et de ne jamais dépendre que d'eux. » S'y ajoutèrent des représentants de l'Encyclopædia Britannica, qui apportèrent le soutien – financier, notamment – indispensable à la réussite du projet.
Le programme encyclopédique de Claude Grégory repose alors sur une structure tripartite comprenant le Corpus, le Thesaurus et l'Organum, devenu par la suite le Symposium. La publication des vingt volumes de la collection se déroule de 1968 à 1975, son acquisition par souscription exigeant un rythme de parution aussi régulier que possible. Dans ce projet, le Corpus en seize volumes de la première édition – qui comportait 6 000 articles confiés à de grands auteurs – correspond à l'encyclopédie elle-même et a pour compléments le Thesaurus (4 volumes) et l'Organum (1 volume). Le Thesaurus représente une sorte d'index détaché et détaillé, riche en références et en corrélations. Quant au volume de l'Organum, il a permis de mettre en évidence, dès le début, un ensemble de réflexions majeures, symptomatique d'une politique d'auteurs inventive. Parmi ces contributions, mentionnons La Science malgré tout... (René Thom), Sur la connaissance totale (Boris Rybak) ; Science moderne et interrogation philosophique (Cornelius Castoriadis) ; L'Ère de l'idéologie (Claude Lefort) ; Savoir et violence (Manuel de Diéguez) ; Concept de culture et sciences de la culture (Pierre Kaufmann) ; Les Œuvres d'art et les sciences humaines (Louis Marin) ; La Croissance économique (Jacques Attali).
Quand un texte arrive dans les mains du directeur ou d'un chef de service éditorial, l'un ou l'autre analyse à titre de conseiller son adéquation aux termes de la commande et réfléchit « à de nouvelles navigations possibles ». Il s'agit en effet, comme l'explique Claude Grégory dans son Préambule, « d'agencer des voies de circulation dans les mailles du savoir ». Ce qui importe d'autant plus qu'ici « le faiseur d'encyclopédie s'adresse à l'entendement, au talent d'interrogation, au jugement bien plutôt qu'à la puissance de consommation de son lecteur ». Dans cette logique, les rapports établis entre les notions ou concepts selon qu'on les range dans le Thesaurus ou dans le Corpus représentent un de ces problèmes qui ont donné lieu de la part des chercheurs et sous la forme de travaux et de schémas à beaucoup[...]
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Écrit par
- Charles BALADIER : éditeur en philosophie, histoire des religions, sciences humaines; ancien élève titulaire de l'École pratique des hautes études
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