HELFFER CLAUDE (1922-2004)
La musique contemporaine doit beaucoup à Claude Helffer, car ce pianiste français s'en est fait le champion en cherchant toujours à la relier au patrimoine culturel dont elle est issue. Pédagogue né, cet esprit scientifique savait faire aimer la musique en l'expliquant clairement ; sa conception des programmes et son jeu étaient tout aussi clairs. Pour lui, Pierre Boulez n'existait pas sans Debussy, André Boucourechliev sans Beethoven. Et il avait adapté à sa manière la fameuse trilogie des trois « B » inventée par les violonistes (Bach, Beethoven, Brahms), devenue Beethoven, Bartók, Boulez.
Né à Paris le 18 juin 1922, il aborde l'étude du piano à l'âge de cinq ans et travaille avec la tante de Robert Casadesus. Il bénéficie même des conseils de ce dernier jusqu'en 1939, tout en poursuivant des études scientifiques qui le mènent à l'École polytechnique en 1942. Il n'y entre qu'en 1944, après avoir participé à la Résistance. À sa sortie de Polytechnique, en 1947, le jeune homme complète sa formation musicale en travaillant les disciplines théoriques (harmonie, contrepoint et composition) avec René Leibowitz. Mais le piano l'attire et il donne ses premiers concerts en 1948. Sa mémoire exceptionnelle lui permet d'acquérir rapidement un répertoire considérable, de Bach et Mozart aux contemporains. Claude Helffer est l'un des premiers pianistes français à imposer la musique de Bartók et celle des compositeurs de l'école de Vienne (Schönberg, Berg, Webern). Les tournées se multiplient dans le monde entier. Il joue en duo avec le violoncelliste Roger Albin entre 1949 et 1957. À partir 1954, il participe aux concerts du Domaine musical que dirige Boulez.
Sa curiosité et sa faculté d'assimilation des langages les plus divers incitent les compositeurs à écrire pour lui et il devient rapidement l'un des champions de la musique de son temps, sans jamais exclure de son répertoire les grands maîtres du passé. Dès le début des années 1960, Gilbert Amy et Boucourechliev lui dédient des œuvres qu'il crée : Épigrammes (1962) et Cahiers d'épigrammes (1964) du premier, Signes (1963) et Archipel III (1965) du second. Il joue, parfois en première audition locale, les sonates de Boulez, des œuvres de Luciano Berio, Karlheinz Stockhausen, Iannis Xenakis, Kazimierz Serocki... À partir de 1969, il donne chez lui des cours d'interprétation consacrés aussi bien à l'école de Vienne qu'aux dernières sonates de Beethoven, à la musique de Debussy ou de Bartók. Son esprit d'analyse et sa persuasion conquièrent les jeunes musiciens qui viennent travailler avec lui. Il enseigne aussi au Mozarteum de Salzbourg (1985-1998), en Amérique du Nord, au Japon... Au cours des années 1970, Henri Dutilleux, Betsy Jolas (Stances, 1978) et Xenakis (Erikhthon, 1974) viennent rejoindre le cercle des compositeurs qui écrivent à son intention. Claude Helffer crée encore le Concerto pour piano de Boucourechliev (1975) et le Premier Concerto de Luis de Pablo (1980). En 1981, il reçoit le Grand Prix de la S.A.C.E.M. pour l'interprétation de la musique contemporaine et, à partir de l'année suivante, il fait partie du comité de rédaction des œuvres complètes de Claude Debussy. On lui doit ainsi l'édition des volumes consacrés aux Préludes (avec Roy Howat, 1985) et aux Études pour piano (1991). En 1995, il est nommé professeur de musique contemporaine au Conservatoire européen de musique de Paris. Il meurt à Paris le 27 octobre 2004.
Son esprit d'indépendance lui a permis de dominer une époque où la musique contemporaine était gouvernée par un sectarisme dictatorial. On l'a vu mettre son talent au service de Saint-Saëns ou de Milhaud, que l'avant-garde de l'époque rejetait pour leur classicisme excessif. La diversité des compositeurs qu'il a imposés est un autre reflet de[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
Classification