MOSSÉ CLAUDE (1924-2022)
Historienne française spécialiste de la Grèce ancienne, Claude Mossé a été l’une des premières femmes parmi les enseignants-chercheurs dans les sciences de l’Antiquité, au sein desquelles elle a joué un rôle de tout premier plan. Son intérêt pour la cité grecque l’a amenée à ouvrir des voies dans les domaines de l’histoire politique, de l’histoire du droit et de l’historiographie. Elle fut aussi une enseignante très appréciée par les générations d’étudiants qu’elle a formées. Pourtant, comme elle le disait elle-même, en tant que femme, juive et communiste, sa carrière ne fut pas facile.
Née le 24 décembre 1924 à Paris, Claude Mossé est étudiante à la Sorbonne durant l’Occupation ; porteuse de l’étoile jaune, elle n’a pas le droit de se présenter au concours de l’École normale supérieure à cause des lois raciales de l’époque. Reçue première à l’agrégation d’histoire en 1947, elle est brièvement professeure au lycée de jeunes filles de Rennes, chargée de cours puis assistante à la faculté des lettres de cette même ville en 1950. Elle intègre en 1956 le CNRS où elle achève sa thèse, qu’elle soutient en 1959, année où elle entre en poste à la faculté des lettres de Clermont-Ferrand.
En 1962, quand Jean-Pierre Vernant et Ignace Meyerson créent à Paris le Centre de recherches comparées sur les sociétés anciennes, plus tard renommé Centre Louis-Gernet, Claude Mossé en devient membre et joue dès lors avec Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet un rôle essentiel dans le renouvellement des recherchessur la Grèce ancienne. En 1968, séduite par la dimension politique du projet et l’aspect novateur de l’enseignement qui y est dispensé (ouverture aux non-bacheliers, cours en petits groupes), elle participe à la création du Centre universitaire expérimental de Vincennes, qui deviendra l’université de Paris-VIII, où elle enseignera jusqu’à sa retraite. À « Vincennes », sa curiosité et son érudition lui permettent de donner à l’Antiquité une place qui n’était pas prévue à l’origine du projet, initialement orienté vers l’étude du temps présent.
Le domaine de recherches de Claude Mossé est à la fois vaste et divers. Sa thèse, publiée en 1962 sous le titre La Fin de la démocratie athénienne : aspects sociaux et politiques du déclin de la cité grecque au ive siècle avant J.-C. présente l’étude d’Athènes à la charnière des époques classique et hellénistique. En s’appuyant principalement sur les textes des orateurs, Claude Mossé y dresse l’analyse des institutions et de la pensée politique, en lien avec l’histoire économique. Elle observe le fonctionnement de la cité grecque depuis l’intérieur de ses rouages, et adaptant ce sujet à une histoire des structures loin de l’histoire événementielle alors dominante. Puis elle s’éloigne ensuite progressivement de cette démarche marquée par le marxisme pour élaborer un questionnement sur le politique, ce mode d’« être ensemble » propre à la cité grecque. Il s’agit d’insérer les institutions et les pratiques politiques dans un système multiple et changeant d’interactions et d’interdépendances avec tous les autres aspects de la vie et des représentations de la communauté et des individus. En 1995, avec Politique et société en Grèce ancienne : le « modèle » athénien, elle inscrit son travail dans le champ de l’anthropologie du politique à la suite de Moses Isaac Finley (1912-1986).
L’enseignement et la préparation des étudiants aux concours de recrutement conduisent Claude Mossé à travailler sur des thèmes variés et alors peu étudiés : La Tyrannie dans la Grèce antique (1969) ; La Colonisation dans l’Antiquité (1970) ; La Femme dans la Grèce antique (1983). Elle contribue également à une brillante synthèse des recherches sur le ive siècle pour la collection « Peuples[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Annie SCHNAPP-GOURBEILLON : maître de conférences, retraitée, université de Paris-VIII-Vincennes-Saint-Denis
- Pauline SCHMITT PANTEL : professeure émérite, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média