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LEDOUX CLAUDE NICOLAS (1736-1806)

Architecte visionnaire, grand constructeur, urbaniste et dessinateur, philosophe et poète de la théorie architecturale, Ledoux domine la scène artistique française, de la fin du règne de Louis XV à 1804 – date de la parution de son livre : L'Architecture considérée sous le rapport de l'art, des mœurs et de la législation.

S'il faut un génie à l'architecture de l'époque de Goethe, David, Mozart ou Beethoven, la personnalité de Ledoux s'impose en Europe comme aucune autre par l'originalité, la variété, la puissance et l'universalité de ses conceptions ; par l'ampleur inégalée, aussi, de l'œuvre construit qui touche tous les genres de bâtiments. La destruction des trois quarts de ceux-ci et l'oubli par lequel le xixe siècle manifesta son mépris pour l'art du siècle des Lumières expliquent la redécouverte assez récente de l'architecture de Ledoux. Entre 1930 et 1970, bien des approximations et des malentendus, suscités par une lecture moderniste de son livre « testament », entretinrent le mythe de l'« artiste maudit », de l'« architecte révolutionnaire » victime de l'incompréhension de ses contemporains. L'historiographie actuelle de l'art néo-classique prouve, au contraire, que l'œuvre de Ledoux, pure conséquence de la pensée encyclopédique et de la sensibilité moralisante et sensualiste du xviiie siècle, fut fort bien compris et admiré des édiles et de l'intelligentsia de son temps.

Le constructeur prolifique

Né à Dormans en Champagne, boursier d'un des plus célèbres établissements d'enseignement secondaire de la capitale, le collège de Beauvais, Ledoux eut une carrière essentiellement parisienne dont les prolongements en province furent considérables ou prometteurs. Doué d'une imagination exaltée, d'une ténacité et d'un enthousiasme communicatifs, il se plaira, dans sa vie d'artiste, à valoriser sa formation littéraire, sa curiosité philosophique et son sens politique. L'amitié des poètes bucoliques Delille et Saint-Lambert, ses relations avec les physiocrates, avec certains nobles réformistes et financiers de haut rang, comme ses affinités avec les milieux de la musique, du théâtre et de la peinture, illustrent sa vocation encyclopédique et expliquent son ascension rapide dans une profession dont il fut le porte-parole auprès des mécènes et des pouvoirs publics.

Formé au dessin et à la gravure dans l'atelier d'un auteur d'estampes à sujets guerriers et héroïques, Ledoux découvrit la théorie de l'architecture à l'école de J. F.  Blondel. Cette éducation, commune à la plupart des grands architectes de sa génération (De Wailly, Boullée, Chalgrin, Peyre, Brongniart, Chambers, parmi bien d'autres français ou étrangers), se poursuivit dans l'agence de Trouard, ancien lauréat de l'Académie, fortement imprégné de l'idéal piranésien à son retour de Rome (1758), et propagandiste dans l'architecture du « goût à la grecque », récemment mis à la mode dans les arts décoratifs. Saluée dans la presse pour son originalité, la première œuvre connue de Ledoux est le somptueux décor de lambris sculptés du café Militaire (1762, aujourd'hui conservé au musée Carnavalet). Elle témoigne d'emblée de son goût pour l' iconographie narrative et de son aptitude à traiter tous les programmes, fussent-ils modestes, avec une monumentalité théâtrale et pittoresque. Très épurée par la suite, cette tendance iconographique deviendra une des marques essentielles de son style, une des données fondamentales de sa théorie.

Nommé en 1764 architecte-ingénieur des Eaux et Forêts, Ledoux se partagea durant une dizaine d'années entre ses chantiers de province et une clientèle parisienne qui célébrait avec ostentation les bienfaits de la paix[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I-Sorbonne, directeur du centre Ledoux

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<it>Vue en perspective de la ville de Chaux</it>, C. N. Ledoux - crédits : AKG-images

Vue en perspective de la ville de Chaux, C. N. Ledoux

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