PREY CLAUDE (1925-1998)
En fonction sans doute de sa très vaste culture littéraire et de son attachement passionné à la musique de Mozart, Claude Prey a orienté sa création vers la composition musicale liée à une recherche théâtrale. Il fait au Conservatoire de Paris des études musicales classiques, mais rien n'est jamais classique pour son regard chargé d'humour. C'est ainsi qu'il se souvient d'avoir travaillé l'harmonie avec Messiaen, « mais il enseignait le rythme », et la composition avec Milhaud, « mais il enseignait la mélodie ».
La création de Prey part du constat personnel (à la fin de ses études) de la mort historique de la musique comme art séparé et indépendant, et de sa volonté d'engagement dans un théâtre qui serait tout à la fois événement, jeu et catharsis.
Il situe son travail dans la lignée des expériences de Brecht sur le théâtre et de celles de Moreno sur le psychodrame. Dans chacune de ses œuvres théâtrales, qui sont autant de recherches (Le Cœur révélateur, opéra de chambre, 1962 ; Jonas, opéra-oratorio, 1963 ; On veut la lumière ? Allons-y, opéra-parodie, 1968 ; Fêtes de la faim, opéra pour cinq comédiens, violoncelle et deux percussionnistes, 1969 ; Donna Mobile II, « opéra-kit », 1972 ; Les Liaisons dangereuses, opéra épistolaire, 1973 ; Les Trois Langages, opéra pour enfants, 1978 ; Scénarios VII, opéra pour haut-parleurs, 1982 ; Le Rouge et le Noir, opéra, 1989 ; Parlons fric !, « O.P.A. comique », 1992 ; Sitôt le septuor, opéra « opus Proust », 1994), la musique, présente à des degrés divers, joue un double rôle. « À la recherche scénique, elle apporte une méthode (série, permutation, variation, composition) permettant la notation et le contrôle d'un domaine agrandi (intonation, distances, mais aussi niveaux de langages, silences, gestes, discours, costumes). Au jeu dramatique, elle apporte l'élément actif du chant et de la variation de style, sur toute la gamme de la parodie, permettant un théâtre „à distanciation variable“ et libérant ainsi le comédien de son paradoxe. »
Le rapport du choix et de la construction de chaque œuvre est toujours rigoureusement déterminé. Formule numérique (du monodrame au conflit intergroupes) délibérée en fonction d'une destination précise (radio, télévision, théâtre ouvert, etc.), en référence à un genre (opéra-comique, opéra-oratorio, opéra-parodie) et à une époque donnés, dans l'éclairage et pour l'éclaircissement de problèmes particuliers (vérité historique, utopie, pacifisme, etc.) révélant des obsessions communes (l'écrit et l'oral, la règle des jeux, éros et civilisation) et dans les décors presque interchangeables qui sont ceux des mutations douloureuses (école, prison, terrain vague ou théâtre). Toute la recherche vise à rendre possible et évidente la révélation qui naît de l'exacerbation de conflits intérieurs.
Est-il besoin de préciser que Claude Prey est généralement l'auteur responsable des textes (ou de l'arrangement des textes) mis en musique, qui font partie intégrante de sa recherche musicale ?
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Écrit par
- Brigitte MASSIN : musicologue, journaliste, critique, écrivain
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