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SAUTET CLAUDE (1924-2000)

C'est en mars 1960 que sort le premier long-métrage personnel de Claude Sautet, Classe tous risques, un film policier adapté d'un roman de José Giovanni. Si le film rencontre un succès public mitigé, Sautet n'en est pas moins d'emblée considéré comme une « personnalité » du cinéma français. Alors que s'affrontent partisans et adversaires de la Nouvelle Vague, il n'est d'aucun clan et reçoit immédiatement les éloges de quelques « anciens », et non des moindres, tels que Jean-Pierre Melville : « Si j'ai la certitude qu'en 1965 Claude Sautet sera notre plus grand cinéaste, c'est parce qu'en dehors de son talent, je lui connais un courage tranquille. [...] Sautet, le faux taciturne, inquiet autant que sûr de lui, attend d'être inspiré pour tourner. Mais quand il tourne, il met du cœur à l'ouvrage. » Ce n'est que cinq ans plus tard, avec Les Choses de la vie, que le talent du metteur en scène éclatera aux yeux du grand public et de l'ensemble de la critique, faisant de lui, définitivement, un des « grands » du cinéma français.

Le choix du classicisme

Claude Sautet est né à Montrouge le 23 février 1924. En partie élevé par sa grand-mère maternelle qui l'emmène fréquemment au cinéma, il n'y découvre que des films peu adaptés à l'intérêt d'un garçon de sept ans, comme Le Roman de Marguerite Gautier... De cette époque, il retiendra davantage les grands pique-nique familiaux dans la forêt de Sénart, que l'on retrouvera dans les fêtes et les réunions de copains qui parsèment ses films. Poussé vers la sculpture, il entre ensuite aux Arts décoratifs. Il est surtout marqué par la littérature américaine, la musique de Debussy, Ravel, Stravinski, le jazz, tandis que la guerre le pousse à adhérer au Parti communiste qu'il quittera en 1952. Devenu critique musical à Combat après la Libération, il entre sans conviction particulière en 1946 à l'Institut des hautes études cinématographiques. Assistant de nombreux réalisateurs de toutes catégories, il travaille pour Jacques Becker et collabore à des scénarios. D'ailleurs, il se fera, jusqu'à la fin de sa carrière, une réputation de sauveur de scénarios – « resemeleur » en termes de métier, ce que, à Hollywood, on appelle un script-doctor.

S'il signe un court-métrage (Nous n'irons plus au bois, 1951), puis un long-métrage, dont il n'assure que le suivi technique (Bonjour sourire, 1955), Sautet franchit vraiment le pas avec Classe tous risques, sur proposition de Lino Ventura. Ce qui permet au film d'échapper à la sclérose qu'il sait frapper ceux qui ont suivi un tel parcours à l'intérieur de la profession, c'est moins la qualité du roman de José Giovanni que l'intérêt que le futur réalisateur de Mado ou de Nelly et M. Arnaud porte aux personnages : ainsi de la solidarité et de l'amitié virile, dénuée des clichés machistes traditionnels, qui lie le truand Abel Davos (Lino Ventura) au jeune cambrioleur Stark (Jean-Paul Belmondo). Sautet filme ce « polar » comme un western, d'abord intéressé par ces deux hommes aux abois dans la ville de Milan et par la déchéance d'un « ancien caïd réduit à braquer une banque minable ». Le recherche de chaleur humaine à un moment de la vie où l'on a le sentiment que la vie s'écoule « à côté de soi », telle sera la quête qui meut le héros-type du cinéma de Sautet, et ce jusque dans ses derniers films.

Après un second film policier aussi efficace mais plus extérieur, L'Arme à gauche (1964), Claude Sautet refuse de s'enfermer dans la veine du polar à la française, et c'est avec Les Choses de la vie (1969) que sa carrière prend son envol. Plusieurs facteurs expliquent le succès et l'importance du film à ce moment de l'histoire du cinéma[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

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Autres références

  • LES CHOSES DE LA VIE, film de Claude Sautet

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