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SAUTET CLAUDE (1924-2000)

Un portrait de la société française

Ces combinaisons affectives se mettent en place à travers une multitude de personnages dans Une histoire simple (1978), dont Romy Schneider est une fois de plus le centre, et surtout dans Vincent, François, Paul et les autres (1974), film choral qui pourrait à lui seul résumer les deux décennies qui vont des Choses de la vie à Une histoire simple. Le talent de Sautet ne tient pas seulement à sa capacité de décrire avec une grande densité les variations psychologiques et affectives de personnages inoubliables, interprétés par des acteurs qui trouvent chez lui une écoute et une attention exceptionnelles : aux acteurs déjà cités, il faut ajouter Claude Brasseur, Madeleine Robinson, Marie Dubois, François Perrier, Stéphane Audran, Gérard Depardieu, ou encore Patrick Dewaere et Yves Robert dans Un mauvais fils (1980)... En complicité avec ses scénaristes préférés, Jean-Loup Dabadie, le romancier Claude Néron, Jacques Fieschi, Jérôme Tonnerre, Sautet tisse en arrière-fond un portrait rare de la société française des années 1970 et 1980 : mythologie de la voiture, omniprésente, du téléphone (avant l'ère du portable), mélange d'affairisme et de politique, cynisme du libéralisme et toute-puissance de l'argent.

Plus radicale et profonde qu'elle ne paraît, cette critique ne constitue pourtant pas l'essentiel du propos de Sautet, qui ne cesse d'espérer, contre toute évidence, dans un sursaut de ceux qu'on croit vaincus. Il excelle à peindre aussi bien les bourgeois de souche ou ceux qui ont réussi (le fabuleux César) que les ferrailleurs, les marginaux, ou les jeunes idéalistes.

Ce « classique », qui se cache pudiquement derrière un cinéma balzacien « à la troisième personne », va se livrer dans les trois derniers films du réalisateur à des confidences plus personnelles, sans sombrer dans l'exhibitionnisme de l'autofiction. Dans Quelques jours avec moi (1987) et Un cœur en hiver (1991), avec Sandrine Bonnaire, Sautet fait de Daniel Auteuil un personnage mystérieux, insondable, faisant du retrait qu'il prenne la forme de la « folie », ou du renoncement un art de vivre qui laisse le spectateur aussi fasciné que désarmé. Ce grand amateur de musique achève son œuvre, avant de disparaître en 2000, par un opus qui ressemble à une note sublime, tenue de bout en bout avec une légèreté et une discrétion à l'image de l'homme Sautet. Dans Nelly et Monsieur Arnaud (1995), aux accents parfois proches du meilleur Ozu, le regard aigu sur la société s'ouvre sur une communion avec les univers et les êtres qu'incarnent ici Emmanuelle Béart et Michel Serrault.

— Joël MAGNY

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

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