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VIVIER CLAUDE (1948-1983)

L'œuvre

Les grands thèmes récurrents de la production de Claude Vivier – forte de quarante-neuf pièces répertoriées – se placent sous les signes de la mort, de l'enfance (celle, perdue, à laquelle il ne cessa de rêver au travers des langages imaginaires qu'il inventa, tout autant que dans les personnages issus du patrimoine universel des contes, de la mythologie ou de l'histoire, dont il peuple son univers musical) et de l'amour, dont la soif qui l'étreignait, inextinguible, se confond souvent avec un mysticisme hérité de sa prime adolescence, alors qu'au juvénat de Saint-Vincent-de-Paul il se destinait à la prêtrise. Autant d'éléments qui colorent sa musique et font de lui le digne héritier du Parsifal de Wagner ou de la Turangalîla-Symphonie de Messiaen.

Mais plus proche de lui encore sont l'esthétique, la technique et la philosophie de Stockhausen. Ainsi Momente sera-t-elle l'objet de sa seconde « révélation », la première ayant été celle de sa vocation de musicien alors que, jeune séminariste, il assistait à une messe de minuit. De cette rencontre une œuvre naîtra, qui marquera désormais une ligne de partage irréversible au sein de son univers de créateur : Chants (1973), pour deux sopranos, deux mezzo-sopranos et deux contraltos.

Il abandonne ainsi la musique discursive, dite structuraliste, optant pour une « musique d'état ». Désormais, son Graal est la recherche concomitante d'un temps, singulier (que l'Occident abandonna un jour), d'un espace sonore, neuf, inédit, inouï, et d'une émotion quasi mystique, mélange curieux d'une cosmogonie rêvée, magique, initiatique et d'une ritualisation cathartique de la mort et de l'amour spiritualisés. Il n'est alors pas étonnant que son voyage en Orient (1976-1977), qui le conduira à devenir musicien de gamelan à Bali, l'ait aussi profondément marqué.

La voie qu'il a choisie, il la veut de plus en plus étroite, pour ne pas dire radicale. Et sa pensée se concentre autour d'une problématique purement mélodique dont, dorénavant, absolument toutes les caractéristiques de sa musique découleront. À savoir l'homophonie, qu'il étendra jusqu'à la diaphonie, et l'homorythmie.

Mais, de cet appauvrissement de son matériau – qui se rattache d'ailleurs à un courant musical plus général que définit l'expression « nouvelle simplicité » –, il tire la force même de son originalité. Car l'abandon des potentialités polyphoniques et rythmiques demandait à l'évidence à être compensé par l'enrichissement et le développement d'un nouveau paramètre.

À la fois colonne vertébrale de ce « mélodisme » et sa parure la plus chatoyante, ce dernier sera le timbre, pensé par Claude Vivier au travers d'un des concepts fondamentaux de la musique spectrale : la synthèse sonore (un concept dont le but consiste à créer des sonorités nouvelles complexes en imaginant les conséquences de la mise « en œuvre » des qualités acoustiques mêmes). Pour ce faire, Claude Vivier emprunte la technique des permutations à son maître Stockhausen, mais il refuse de laisser son imaginaire dépendre des béquilles de la théorisation spéculative. Là réside l'originalité foncière de sa musique, dont l'intérêt se résout au sein d'une invention timbrique d'autant plus précieuse qu'elle est unique, ce qui la sauve de la vacuité technique à laquelle bien d'autres succombent.

Une des particularités de cette fascinante invention « mélodico-synthétique » est d'ailleurs d'assumer presque à elle seule la problématique de la grande forme (le Prologue pour un Marco Polo est particulièrement convaincant à cet égard). Bref, si Berlioz fut un « inventeur d'orchestre », Claude Vivier fut un « inventeur de timbres ». Et c'est[...]

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Écrit par

  • : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio

Classification

Autres références

  • NOUVELLE SIMPLICITÉ, musique

    • Écrit par
    • 515 mots

    En 1981 paraît chez Universal Edition, à Vienne, dans la revue StudienzurWertungsforschung dirigée par Otto Kolleritsch, une série d'articles rassemblés sous le titre Zur « neuenEinfachheit » in der Musik, que l'on peut traduire par « Vers une nouvelle simplicité en musique ». Ce...