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RODRÍGUEZ CLAUDIO (1934-1999)

« Et comme si jamais elle n'eût été mienne, / donnez à l'air ma voix, et qu'elle soit dans l'air / à tous, et qu'ils la sachent tous, / tel un matin ou tel un soir./ [...] Sur la voix qui s'en va, ainsi creusant son lit, / quel sacrilège que ce corps, quel sacrilège : / ne pouvoir être hostie afin de se donner ». Tel est le ton de ferveur de l'œuvre poétique que Claudio Rodríguez écrivit avec autant de parcimonie que de haute exigence. Dans le discours de réception à la Real Academia Española, où il avait été élu en 1987, il déclarait : « Je pense que la poésie est, surtout, participation. Elle naît d'une participation que le poète établit entre les choses et l'expérience poétique qu'il en a dans le langage [...] Cette participation est une intuition et, dans le fond, une sagesse. »

Loin de la « rhétorique sociale » de l'après-guerre civile, la poésie de Claudio Rodríguez fut d'emblée une célébration existentielle. Don de la ebriedad (1953) proclame, dans une langue qui emprunte aux techniques surréalistes, cette jouissance d'être, où l'âme et le corps à l'unisson s'exaltent, en communion intime avec la nature. La lumière s'abîmant dans l'objet est l'exemple par excellence de cet abandon de soi dans les choses ou les êtres. La contemplation, infusion en soi de l'âme du monde, n'est pas une immobilité placide : de l'incertitude à la plénitude, des courants opposés la parcourent : « Oh la nuit qui lance ses étoiles / de ses créneaux célestes. Il n'y a plus rien / que le ciel et la terre. Et cette cible sûre, / cette cible sûre qu'offre mon cœur ! »

Né à Zamora, le 30 janvier 1934, Claudio Rodríguez était un amoureux des terres de Castille, longuement explorées ; elles lui ont inspiré cet élan de l'esprit, qui devait autant à Jean de la Croix qu'à Rimbaud, ses maîtres préférés. Dans Conjuros (1958) le temps, la souffrance, la mort suggèrent des tonalités plus sombres. La voix, au fil des ans, se fera plus grave, ou plus méditative ; le contact avec le monde revêtant toujours une dimension mystique. La poésie est un savoir, mais aussi une quête interminable. Alianza y condena (1965), sur le double mode de la constatation ou de l'extase, en prolonge l'exercice. Dans El vuelo de la celebración (1976), la présence des objets se fait si intense, les sensations si envahissantes, l'attention si appliquée au détail que l'univers familier en paraît transformé, dans la pure clarté qui jaillit de lui-même ; le regard de l'enfance, et parfois son langage, sont retrouvés par la magie du dire poétique. Casi una leyenda (1991) témoigne d'une pleine maîtrise des thèmes et de l'écriture d'un écrivain, qui éclairait ainsi la source de sa création : « Pour moi la vie est quelque chose de légendaire, pas seulement histoire, donnée concrète. Tout me semble être quelque chose de confus, d'étrange, comme si les expériences ne s'étaient pas produites, ou s'étaient produites d'une autre manière. La vie a cet aspect de fable... » Claudio Rodríguez est mort à Madrid, le 22 juillet 1999.

— Bernard SESÉ

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

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