BRENTANO CLEMENS (1778-1842)
Au centre du groupe de Heidelberg
Poésie
En 1806, Achim von Arnim et Brentano font paraître, à Heidelberg, le premier volume du recueil de chants populaires, Le Cor merveilleux de l'enfant (Des Knaben Wunderhorn). Cette publication, achevée en 1808, est un événement capital pour l'histoire du lyrisme allemand. Elle a renouvelé, au début du xixe siècle, une source d'inspiration sans laquelle on ne pourrait imaginer notamment ni la poésie d'Eichendorff ni celle de Heine, qu'annonce déjà, à bien des égards, le lyrisme personnel que Brentano a semé un peu partout dans sa prose et son théâtre. Musicalité et maîtrise technique sont des qualités essentielles de ces poèmes, où le caractère enjoué et enfantin, la simplicité et la fraîcheur de ton du Volsklied alternent souvent avec les accents poignants d'une âme malade et d'une nature mystique et sensuelle.
Brentano a travaillé longtemps, de 1803 à 1811, à la composition de sa « divine comédie », les Romances du Rosaire. L'œuvre est pourtant restée inachevée et n'a paru qu'après sa mort. Dans cette vaste épopée lyrique qui embrasse 1 200 ans et où, comme chez Dante, l'histoire et la réalité présente interfèrent sans cesse, il voulait montrer la rédemption par le rosaire de la faute millénaire qui pèse sur une famille bolonaise. D'une tonalité religieuse profonde, l'œuvre, très romantique, fond ensemble un grand nombre de motifs disparates : le péché d'inceste, la légende de Tannhäuser, des éléments du Moyen Âge empruntés à une vieille chronique de la ville de Bologne. Il y a beaucoup de scories dans cette masse, mais aussi des parties qui illustrent le lyrisme de Brentano dans ce qu'il a de meilleur. Tout entier composé en strophes de quatre vers trochaïques, le poème révèle un art remarquable de la versification et a fourni à Heine un modèle pour son Romanzero.
Théâtre
Le grand drame romantique La Fondation de Prague, publié en 1814, a été inspiré à Brentano par son séjour en Bohême, de 1811 à 1812. Le sujet est emprunté à la légende tchèque connue qui a également inspiré à Grillparzer sa dernière tragédie, Libussa. Brentano veut montrer la naissance d'un État nouveau qui triomphe peu à peu du paganisme et des forces primitives, et auquel le christianisme vient, à la fin, donner sa perfection. L'action est située en des temps légendaires, et la pièce, tout entière en pentamètres iambiques, abonde en épisodes merveilleux. Sa luxuriance la rend injouable et peu lisible bien que Brentano l'ait considérée comme son œuvre la plus réussie : dans ces 14 000 vers, les arbres empêchent de voir la forêt, l'intrigue disparaît sous la masse des motifs, beauté des détails et ornementation foisonnante nuisent à l'impression d'ensemble.
À Berlin, Brentano écrit, en 1810, une cantate pour la mort de la reine Louise, qui sera chantée lors de l'inauguration de l'université. Lors de son séjour à Vienne (juillet 1813-août 1814), les guerres de libération lui inspirent deux pièces patriotiques qui n'auront aucun succès. La version remaniée de Ponce de Léon, jouée en février 1814, sous le titre Valeria ou la Ruse paternelle, est aussi un fiasco complet. Tandis qu'il échoue comme dramaturge, Brentano écrit de nombreuses critiques de théâtre pour divers périodiques. Il continuera quelque temps à Berlin où il collaborera aussi au Mercure rhénan de son ami Görres.
Prose
Avec des interruptions, il travaille, de 1805 à 1811, à ses contes « italiens » et « rhénans », qui ne paraîtront qu'après sa mort, en 1847-1848. Il voulait adapter « pour les enfants allemands » les cinquante contes du Pentamerone de Giovanni Battista Basile. Il n'en a écrit que onze, et quatre contes « rhénans » seulement ont vu le jour. Toute la fantaisie, parfois[...]
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Écrit par
- André SOUYRIS : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Nice
Classification
Média
Autres références
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