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CLÉMENT D'ALEXANDRIE (140 env.-env. 220)

Conversion et progrès moral : « Le Protreptique », « Le Pédagogue »

Des trois ouvrages principaux de Clément, Le Protreptique est destiné à « convertir », Le Pédagogue à « former les mœurs », Les Stromates à « enseigner la gnose », trois étapes indispensables à une éducation parfaite.

Le Protreptique se situe dans la tradition littéraire des traités d'exhortation à la conversion à la philosophie, dont les plus célèbres sont les Protreptiques d'Aristote et de Jamblique et l'Hortensius de Cicéron. Mais, pour Clément, la vraie philosophie, c'est le christianisme ; le seul Logos, c'est-à-dire la seule Raison universelle, c'est le Christ. L'exhortation de Clément est animée d'un puissant souffle lyrique. C'est un hymne au chant nouveau, au chant du nouvel Orphée, dont l'harmonie soutient l'univers et accorde toutes les âmes. Toutes les ressources de la poésie et de la philosophie grecques sont mises au service de cette louange du Logos incarné.

La purification de l'âme

Le Pédagogue s'adresse aux nouveaux convertis. Un lecteur qui se contenterait de jeter un coup d'œil rapide sur quelques titres de chapitres de l'ouvrage pourrait penser qu'il s'agit simplement d'un traité de morale pratique, ou même seulement d'un manuel de la politesse et des bonnes manières : comment se comporter en ce qui concerne la nourriture et la boisson, la vaisselle, le mobilier, les parfums, les couronnes, le vêtement, les chaussures, les bijoux, la toilette, les domestiques, les bains, les exercices physiques, le sommeil, la vie sexuelle, etc. Tous ces développements sont évidemment des mines de renseignements pour les historiens de la culture antique et aussi pour les historiens de la littérature, car, pour traiter chacun de ces thèmes, Clément accumule les citations des poètes, des philosophes, des historiens et des moralistes, et nous conserve ainsi beaucoup de documents disparus. Les principes généraux de cette morale sont puisés dans la tradition philosophique grecque, surtout stoïcienne et platonicienne : suivre la nature, la mesure, le juste milieu, rechercher les biens de l'âme avant ceux du corps, rester maître de soi.

On s'étonnera peut-être de voir Clément proposer aux nouveaux convertis un enseignement moral aussi minutieux, au lieu de leur fournir les bases doctrinales qui fonderaient des règles générales de direction de la conduite. Pourquoi la pratique morale vient-elle avant l'enseignement théorique ? La réponse se trouve dans les conceptions qui régnaient dans la tradition platonicienne, à partir du ier siècle après J.-C., concernant l'ordre d'enseignement des parties de la philosophie ; à la triade morale - physique -logique, on avait substitué la triade morale -physique - théologie ; c'était la morale qui devait être enseignée en premier lieu, parce qu'elle était une purification de l'âme, indispensable pour préparer l'esprit à recevoir l'enseignement. Une fois de plus, cela correspond à la conception de la philosophie comme transformation de l'âme. La philosophie est essentiellement une pratique, d'abord des vertus, plus tard de la contemplation.

La Raison et le Christ

On s'étonnera surtout de voir Clément proposer à un disciple nouvellement converti au christianisme un ordre d'enseignement inspiré de la tradition philosophique païenne et, pis encore, une morale d'inspiration toute hellénique. Clément n'éprouve pourtant aucun scrupule à le faire. C'est qu'il est persuadé de l'identité de la Raison et du Christ. C'est la même Raison qui a inspiré les philosophes et qui, s'incarnant dans le Christ, a parlé par sa bouche. Seulement, les philosophes ne possédaient la Raison que d'une manière fragmentaire, conjecturale et obscure ; le chrétien, au contraire, possède, dans le Christ, une perception[...]

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