MAROT CLÉMENT (1496-1544)
Marot poète léger.... Le gentil Marot... Marot amuseur de la cour... Le thème est usé, mais tenace. On le doit à Boileau. Or, le protégé de Marguerite de Navarre a été autre chose. Il a su rire, certes, et faire rire. Mais il a été aussi, et plus souvent qu'on ne le croit, un vrai poète : il a parlé d'amour, avec sincérité ; il a poursuivi de sa verve les mauvais juges et les policiers ; il a dénoncé les faiblesses de l'Église ; il a cherché des rythmes nouveaux. Bref, il est simplement un poète tour à tour rieur et émouvant. Avec lui, comme avec sa protectrice, commence la Renaissance.
Le prix de l'indépendance
Clément Marot est né à Cahors en Quercy. Il connut à la cour de France les succès les plus flatteurs. Il est mort en exil. Boileau a loué son « élégant badinage ». Son œuvre mérite mieux que ce slogan banalisé !
Son père, médiocre versificateur et protégé d'Anne de Bretagne, lui enseigna les lois des grands rhétoriqueurs et lui ménagea d'utiles protections. On peut lire dans son Églogue au roi sous les noms de Pan et de Robin une esquisse joliment enlevée de sa jeunesse. Ses études furent superficielles, même s'il compta un temps parmi les étudiants parisiens : on le voit clerc de la chancellerie. Il rima très tôt et selon les règles du temps : on peut dater ses débuts de 1514, et ce furent le Temple de Cupido, allégorie dans l'esprit du Roman de la Rose, puis l'Épître de Maguelonne, enfin, en 1519, l'Épître du Dépourvu. Il connaissait la faveur royale : François Ier l'avait remarqué ; Marguerite d'Angoulême fit de lui son valet de chambre et ne lui ménagea jamais sa protection.
Alors commença pour lui une période heureuse, à peine troublée par quelques incartades, car il garda toujours une indépendance totale. Auprès de Marguerite d'Angoulême, il dut, vers 1524, s'intéresser à cette nouveauté : l'évangélisme. On raconte qu'il fut blessé à Pavie. Légende pure. Un fait précis : il est incarcéré au Châtelet en 1526 pour avoir mangé du lard en carême. Faute énorme en ce temps ! Défi à l'Église ? Il affirmait son orthodoxie dans son Épître à M. Bouchart, en contant avec brio la fable du lion et du rat. Poète officiel, il connaîtra cependant deux fois encore les geôles parisiennes : une fois pour avoir délivré un prisonnier arrêté par le guet, puis pour avoir, de nouveau, fait gras. De là deux épîtres au roi qui sont des chefs-d'œuvre d'esprit et d'habileté.
Et Marot publia ses premières œuvres : l'Adolescence clémentine paraît en 1532. Ce fut un gros succès : sept éditions de 1533 à 1535. Le poète est à l'apogée de son talent. Ce qui ne le rend pas plus sage. À la Sorbonne, au Parlement, il apparaît comme un suspect. L'affaire des placards, en 1534, qui conduit le roi à l'intransigeance, apeura Marot. Il s'enfuit et court les grandes routes. Il se réfugie d'abord à Nérac chez sa protectrice, devenue reine de Navarre, puis passe les Alpes et gagne Ferrare où la duchesse Renée s'intéresse à l'évangélisme et protège les novateurs. Dans ce premier exil, Marot séjourne en Italie, à Ferrare, à Venise, écrit des épîtres pour solliciter l'autorisation de rentrer en France. Il est à Lyon en 1536, où il fait amende honorable ; puis à la cour. Il a retrouvé la faveur royale.
Il a retrouvé aussi ses ennemis. Un rimailleur sans talent, François Sagon, l'attaque de manière grossière. Il réplique par une admirable satire, pleine de verve et d'esprit, l'Épître de Fripelipes, valet de Marot, à Sagon, la première satire de la littérature française moderne. Toujours aussi indépendant, il traduit et publie la traduction de trente Psaumes (1541). Cette tentative audacieuse, accentuée par la publication, par Étienne Dolet, de[...]
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Écrit par
- Pierre JOURDA : doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines de Montpellier
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