CLERGÉ RÉFRACTAIRE
L'ensemble des prêtres et évêques qui, sous la Révolution, refusèrent de prêter serment à la Constitution civile du clergé, votée par l'Assemblée constituante le 12 juillet 1790. Étant donné l'imbrication des professions de foi romaine et royaliste, et compte tenu de la vague des rétractations de serment à l'automne de 1791, la situation de prêtre réfractaire ne devient nette qu'après l'abolition de la royauté, le 10 août 1792 ; c'est un refus à la fois de déférer à une quelconque marque de civisme et de rompre avec le pouvoir monarchique, réputé « juste ». Ainsi en décident les clergés de l'Ouest, du Nord et de l'Est (Alsace et Franche-Comté). Il ne leur reste qu'une alternative : la clandestinité ou l'émigration, la première préparant quelquefois la seconde, sauf pour les évêques, qui choisissent l'exil volontaire, parfois dès 1789.
Ainsi s'explique le souci des cadres du clergé réfractaire : assurer l'administration du diocèse en fondant des réseaux autour d'hommes-relais, installés en des points névralgiques ; et, par là, établir une pastorale commune à tous les clandestins (mots d'ordre politiques, consultations canoniques, parades contre les constitutionnels, etc.). L'évêque émigré entretient une correspondance secrète avec son ou ses représentants désignés, chanoines ou vicaires généraux. Vient-il à mourir ? Dans le cas des diocèses frontaliers, Rome nomme un ancien suffragant étranger : le diocèse de Besançon est administré, de 1792 à 1795, par l'évêque de Lausanne, en résidence à Fribourg. Ailleurs, les évêques de la province ecclésiastique proposent à Rome un simple prêtre, connu par son ascendant sur ses confrères réfractaires : après la mort de l'archevêque à Amsterdam, en 1795, deux administrateurs nommés par Rome gouvernent successivement le diocèse de Tours.
Le pouvoir de décision revient donc au clergé émigré. Son importance numérique est, au minimum, de 22 000 à 25 000 prêtres et religieux sur les 120 000 ecclésiastiques de 1789. Ils se répartissent en cinq zones principales d'accueil : 8 000 en Angleterre (qui envoie 44 prêtres français au Canada après 1793), regroupés par le populaire Mgr de La Marche, évêque de Léon ; 5 000 en Espagne et au Portugal, ces pays se montrant attentifs à cloisonner les réfugiés ; 3 000 environ en Allemagne et dans les pays autrichiens, en Suisse et dans l'État pontifical. Les conditions matérielles et morales faites aux émigrés, qui appartiennent surtout aux diocèses limitrophes, sont plus sévères dans les États catholiques. Ceux-ci s'efforcent de contenir la forte poussée qui se déploie de l'automne de 1792 à mars 1793. Dans l'État pontifical, où Mgr Caleppi organise l'accueil, les concentrations se font à Bologne, à Ferrare, à Pérouse, à Viterbe et à Rome. L'arrivée de prêtres d'abord émigrés en Suisse, puis celle des Savoyards, Piémontais et Toscans provoquent la saturation en 1794. Des errants iront jusqu'en Russie ; les autres séjournent de deux à trois ans. Les évêques circulent davantage : 14 dans l'État pontifical jusqu'en 1796 ; plus d'une trentaine en Angleterre jusqu'en 1802. Les retours s'amorcent, de Suisse, au printemps de 1795, puis massivement après la levée des mesures contre les prêtres réfractaires (16 juill. 1797).
La rentrée prend la forme d'une reconquête chrétienne de la France, soigneusement préparée par divers conciliabules : Comité des Treize (évêques) à Londres (1793) ; conciles provinciaux à Fribourg et à Constance (1795-1797) ; conférences presbytérales de Ferrare (1796). Par des instructions détaillées, les évêques constituent des équipes de « missionnaires » chargés de quadriller le diocèse en quartiers (telles les [...]
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Écrit par
- Bernard PLONGERON : docteur ès lettres et docteur en théologie, professeur à l'Institut catholique de Paris
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