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CLIENTÉLISME

Le clientélisme est un rapport entre des individus de statuts économiques et sociaux inégaux (le « patron » et ses « clients »), reposant sur des échanges réciproques de biens et de services et s'établissant sur la base d'un lien personnel habituellement perçu dans les termes de l'obligation morale. Envisagé de cette manière, il s'agit d'un phénomène attesté dans des contextes sociaux très divers. Dans la Rome antique, les patriciens entretenaient une vaste clientèle d'affidés à laquelle, en contrepartie de son allégeance et de son soutien politique, ils apportaient leur protection économique et prodiguaient leurs largesses (Paul Veyne). À l'époque féodale, la relation unissant un vassal à son seigneur supposait des engagements de nature privée impliquant la fidélité et l'assistance mutuelles (Marc Bloch). Dans la plupart des sociétés traditionnelles, les détenteurs de l'autorité se devaient de justifier leur pouvoir et leur prestige en distribuant une partie de leurs richesses à leurs subordonnés, sous la forme de dons, de prébendes ou d'assistance.

Les liens de clientèle n'ont pas disparu, loin s'en faut, avec la constitution des États modernes puis leur démocratisation durant le xixe siècle. Mais ils ont été doublement transformés au cours de ces processus. D'un côté, ils ont acquis une dimension spécifiquement politique en étant insérés dans les institutions des régimes représentatifs ; de l'autre, ils ont été de plus en plus fréquemment dénoncés comme faisant obstacle au bon fonctionnement de ces institutions et à la réalisation effective de valeurs et des idéaux de la démocratie.

Le clientélisme des notables

La mise en place de procédures de sélection du personnel politique à travers le suffrage populaire a renforcé, au moins dans un premier temps, le pouvoir des notables traditionnels. Les aristocrates ou les bourgeois possédants de la France de la IIIe République ou, à la même époque, certains patrons d'industries manufacturières dans des villes ouvrières ont accédé aux charges politiques en mobilisant à des fins électorales les biens matériels et la considération sociale dont ils disposaient en raison de leur position prééminente dans les rapports socio-économiques locaux. Il en a été de même, jusqu'au milieu du xxe siècle, des propriétaires fonciers des communautés paysannes du sud de l'Europe, observés par exemple par Julian Pitt-Rivers, ou des élites agraires de nombreux pays en développement.

Le vote en leur faveur entérinait l'ascendant social accordé à ces autorités tutélaires. Il était également une réponse aux services que ces dernières offraient à leurs électeurs en utilisant leurs ressources personnelles (terre, emplois, œuvres de bienfaisance, etc.). La démocratisation du suffrage se traduisait ainsi par la formation de réseaux clientélistes qui, articulés entre eux, ont composé les premiers partis de notables.

Avec la naissance des partis de masse organisés, à la fin du xixe siècle, ces notables ont été concurrencés par de nouveaux entrepreneurs politiques, issus dans leur majorité des couches moyennes ou provenant du militantisme partisan et syndical. Ces politiciens professionnalisés, qui ne détenaient pas de patrimoine susceptible d'être converti en ressources de clientèle, ont cherché (et souvent réussi) à imposer une conception inédite de l'échange électoral. Le vote et les affiliations politiques devaient, selon eux, découler du partage des convictions, de l'idéologie, de la défense de programmes ou d'intérêts collectifs. Les transactions intéressées, qui caractérisaient le clientélisme notabiliaire, leur apparaissaient comme contraires aux principes démocratiques ; elles étaient désignées comme des abus voire des actes de corruption qu'il fallait éradiquer pour moraliser[...]

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