CHENIER CLIFTON (1925-1987)
Pour différentes raisons socio-historiques, la musique des Noirs de la Louisiane francophone ne s'est que très tardivement distinguée de celle des Blancs cajuns. D'abord appelée « la-la », cette musique noire s'est écartée de la musique cajun à mesure que celle-ci se rapprochait de la country music. Dans les années 1940, les Noirs créent leur propre genre musical, qui prendra le nom de zydeco. Ce terme provient probablement de « zarico » (les haricots, en patois louisianais), qui désignait les Noirs les plus pauvres, ceux qui n'avaient pas les moyens d'acheter de la viande et qui se nourrissaient donc essentiellement de cette légumineuse. Ce zydeco conserve tout d'abord de très fortes racines de musique cajun : domination de l'accordéon, présence fréquente du violon fiddle, utilisation intensive des valses, two-steps et ballades cajuns. Mais ces éléments se combinent peu à peu avec d'autres venant des musiques noires : fort accent mis sur le blues, guitare électrique, saxophones, utilisation de plus en plus importante de l'anglais. L'accordéoniste, harmoniciste et chanteur Clifton Chenier peut légitimement être considéré comme le principal père du style zydeco.
Clifton Chenier naît à Opelousas, en Louisiane, le 25 juin 1925. Le succès de son morceau Squeeze Box Boogie en 1954 lui confère une énorme popularité qui déborde largement des bayous de sa Louisiane natale. Son énergie et sa gouaille sont particulièrement mises en valeur par son formidable orchestre, le Zydeco Band, qui comprendra au cours des quarante années de sa carrière certains des meilleurs musiciens de la Louisiane ou de l'est du Texas : les guitaristes Lonesome Sundown, Phillip Walker, Harry Hypolite et Paul Senegal, son frère Cleveland Chenier au rubboard – une variété du frottoir dit washboard –, le pianiste Elmore Nixon... Dans les années 1960, Chenier enregistre en exclusivité pour le label Arhoolie du producteur californien Chris Strachwitz. En contrepartie, celui-ci entreprend une vaste promotion de Chenier en fournissant des 45-tours pour les juke-boxes des bars locaux ainsi que des albums qui font connaître Clifton Chenier dans toute l'Amérique puis en Europe et en Asie, continents où celui que l'on surnomme désormais le « Roi du zydeco » (il se produit avec une couronne sur la tête !) effectue régulièrement des tournées et enthousiasme par son dynamisme et sa verve des publics nombreux. Un diabète invalidant gâche malheureusement les dernières années de la vie de Chenier, qui meurt le 12 décembre 1987 à Lafayette (Louisiane).
Grâce à Clifton Chenier et à ses nombreux émules (Boozoo Chavis, Buckwheat Zydeco, Rockin' Dopsie...), le zydeco est devenu un genre à part entière qui perdure en conservant indubitablement ses caractéristiques louisianaises tout en y agrégeant les nouveaux courants de la musique noire américaine, de la soul au rap et au hip-hop. Le zydeco est une des rares musiques noires rurales – peut-être même la seule – qui a su se moderniser et rester authentiquement populaire et vivante ; quel plus bel hommage à Chenier, qui a su réaliser cette fusion et la pérenniser.
Le meilleur album de Clifton Chenier est certainement Bogalusa Boogie (Arhoolie CD 347), dans lequel le « Roi du zydeco » est au sommet de son art. Louisiana Blues And Zydeco (Arhoolie CD 329) présente une excellente sélection de ses premiers enregistrements pour le label Arhoolie.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Gérard HERZHAFT : écrivain
Classification
Autres références
-
MUSIQUES DE LA LOUISIANE
- Écrit par Eugène LLEDO
- 779 mots