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CLIVAGE DU SUJET (psychanalyse)

Le clivage du moi de Freud et l'apport de Melanie Klein

Le clivage est pour Freud une caractéristique tellement principielle de la vie psychique qu'il avait laissé la notion au second plan, son élaboration théorique portant sur la dynamique pulsionnelle des mécanismes du refoulement. À la fin de son œuvre, il élabore toutefois la notion de clivage du moi, pour tenter de saisir certains phénomènes particuliers de la vie psychique. L'introduction de la deuxième topique, à partir de 1921, conduit Freud non seulement à s'intéresser aux relations complexes entre les trois instances majeures (ça, moi, surmoi), offrant une nouvelle version du clivage conflictuel, mais également à se pencher sur la fragilité du moi, qui se trouve lui-même voué à un clivage. Freud en entreprend l'étude dans trois textes : « Le Fétichisme » (1927 - in La Vie sexuelle, PUF, 1969), Le Clivage du moi dans le processus de défense (1938) et le chapitre VIII de l'Abrégé de psychanalyse(1938). À travers cette forme particulière de clivage, c'est le rapport même entre névrose, psychose et perversion qu'essaie de préciser Freud. Le mécanisme du clivage représente une forme extrême de compromis trouvé par le moi entre les exigences contradictoires du ça et de la réalité : dans le cas exemplaire du fétichisme, le moi tout à la fois dénie et reconnaît la castration. Le moi de l'enfant donne donc satisfaction aux deux parties, mais au prix d'une brisure interne : « Le succès a été atteint au prix d'une déchirure dans le moi, déchirure qui ne guérira jamais, mais s'agrandira avec le temps. Les deux réactions au conflit, réactions opposées, se maintiennent comme noyau d'un clivage du moi » (Le Clivage du moi dans le processus de défense).

Freud voit donc d'abord dans ce processus une caractéristique du fétichisme, qu'il étend à la névrose en général. La psychose, quant à elle, et de manière paradoxale si l'on songe à Bleuler, ne manifeste pas de clivage puisque le moi céderait radicalement au ça, en rompant tout lien avec la réalité. Mais, à la fin de sa vie, Freud reconnaît que même la psychose suppose encore un certain contact avec la réalité (Abrégé de psychanalyse). Le clivage est donc bien le phénomène le plus général de la vie psychique elle-même, qu'il s'établisse dans le moi lui-même ou entre le moi et le ça.

C'est précisément sur l'idée que le clivage est à la source de la vie psychique normale ou pathologique que Melanie Klein va échafauder une théorie des rapports précoces du moi et de ses objets (La Psychanalyse des enfants, 1932). Selon elle, l'enfant naît avec un moi rudimentaire dont il est doté dès la naissance. Il va se trouver exposé au conflit entre les pulsions de vie et celles de destruction, qui le conduit à projeter à l'extérieur ce qui relève de ces dernières, et à introjecter ce qui relève des pulsions de vie. De ce mouvement résultent deux clivages. Tout d'abord, le clivage de l'objet est celui de l'objet partiel dont le modèle est le sein, clivé en bon et mauvais objet. Ensuite, le clivage du moi résulte de la faiblesse du moi précoce, coupé en deux par ses relations aux objets. Le moi introjecte également ses objets destructeurs, ce qui va le conduire à se sentir persécuté par cette partie interne des mauvais objets. Le clivage en bon et mauvais moi est donc, comme chez Freud, un mécanisme de défense contre l'angoisse. L'issue de ce conflit passe par la possibilité d'appréhender l'objet comme total et la construction corrélative d'un moi unifié, ce qui ne se fait jamais sans « retombée » dans les processus de clivage. La psychose, du moins sous sa forme paranoïaque ou schizophrénique, est une fixation au stade le plus précoce du clivage. Le problème soulevé par Freud trouve donc ici une forme de solution qui détache le clivage de l'angoisse[...]

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Écrit par

  • : agrégé de philosophie, psychologue au centre médico-psychologique de Villeneuve-Saint-Georges

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