CLOÎTRES
Le cloître, écrit en 1676 Félibien dans son Dictionnaire des termes propres à l'architecture, « est un lieu clos et quelquefois environné de galeries couvertes, comme sont les cloîtres des religieux ». Cette définition fixe, en plein xviie siècle, une équivoque ancienne. Le mot « cloître » vient du latin claustrum (pluriel : claustra) auquel Isidore de Séville (Étymologies, xv, 7) donne le sens de clôture. Les plus anciens règlements monastiques emploient aussi le terme latin dans cette acception pour désigner la barrière – réelle ou fictive – qui doit séparer les religieux du monde : le cloître signifie un mode de vie avant d'impliquer une forme d'architecture.
Que l'apparition de celle-ci soit liée à l'essor du monachisme, c'est chose sûre. Mais il faut bien avouer qu'aucune prescription ne fit jamais du cloître en tant que forme architecturale un élément nécessaire à la vie monastique. L'Orient orthodoxe a ignoré ce que nous appelons un cloître ; l'Occident a multiplié ces portiques en dehors même des monastères. D'ailleurs, la vocation même du cloître fut diverse : allée couverte servant aux processions (d'où l'allemand Kreuzgang), lieu de promenade, de lecture ou de méditation, jardin, cimetière, il assumait toutes ces fonctions faute d'une stricte définition liturgique. Dans les abbayes qui comptent deux cloîtres, la même incertitude règne : grand cloître et petit cloître, cloître de l'abbé et cloître des moines, cloître du silence et cloître du colloque ; la variété de ces appellations révèle l'absence de toute doctrine établie.
Pour que se fixent quelques grandes options sur l'architecture et le décor du cloître, il faut le ferment d'un débat d'ordre moral sur le sens de la vie monastique. Mais, si la diversité des cloîtres romans procède de saint Bernard, on ne peut dire que saint François ni saint Dominique aient marqué d'une pareille empreinte l'évolution des cloîtres gothiques. Dès le xiiie siècle, les galeries des cloîtres tendent à devenir un élément architectural interchangeable. Cette évolution s'accentue au xive siècle où les remplages des baies, le réseau du voûtement reproduisent des formes banales. Le cloître cesse d'avoir une évolution propre pour s'abolir dans celle de l'art gothique. De même, il participe de façon un peu marginale aux expériences de la Renaissance. À l'Annunziata de Florence, le chiostrino dei Voti (1447) reprend les formes du cortile du palais Medici-Riccardi : pour Michelozzo, les formes du cloître et du cortile, nées d'une même idée architecturale, sont équivalentes. L'habitude de clore ou de vitrer les galeries de cloîtres apparaît au xvie siècle et se généralise par la suite. Dès lors, la claire-voie de l'arcature étant virtuellement abolie, la galerie de cloître se réduit à un espace rectangulaire clos ; l'art baroque adopte fréquemment des partis analogues pour le décor intérieur des salles capitulaires et des cloîtres, consacrant ainsi la fin d'une forme architecturale qui ne cessait de déchoir depuis le xiiie siècle.
Genèse du cloître
Les prototypes syriens
On ne rencontre aucune esquisse de cloître dans les plus anciens établissements monastiques d'Égypte. Le couvent est alors un agrégat désordonné de cellules, de magasins et d'ateliers. N'était la présence d'une église et d'une demeure principale, rien ne distinguerait d'un village ordinaire cette agglomération où bêtes et gens vivaient dans une tranquille promiscuité. Au contraire, les monastères de Syrie présentent, dès le ve siècle, des formes qui semblent annoncer les dispositions classiques des cloîtres d'Occident. L'église Saints-Serge-et-Bacchus d'Umm es-Surab, datée de 489 par une inscription, est flanquée[...]
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Écrit par
- Léon PRESSOUYRE : professeur à l'université de Paris-I
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