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CLOÎTRES

Le tournant des années 1100

Du cloître de bois au cloître de pierre

Les premiers cloîtres d'Occident semblent avoir été, pour la plupart, des galeries de bois : leur disparition massive s'expliquerait ainsi par la précarité du matériau. Au xie siècle, au début du xiie encore, on édifiait toujours de ces cloîtres de bois couverts de bardeaux : ainsi les constructions de Lanfranc à l'abbaye du Bec (vers 1039), de l'abbé Thierry de Petershausen (1086-1116) à Saint-Pierre d'Andelsbuch ou à Saint-Pierre de Bregenz ; le cloître de l'abbaye de Zwiefalten bâti par l'abbé Odolric entre 1095 et 1109 ; celui de Saint-Trond restauré par l'abbé Rodolphe (1108-1138). Mais, depuis longtemps, des constructions plus durables remplaçaient çà et là les vétustes cloîtres de bois. C'est en 782, dans la Vie de saint Benoît d'Aniane qu'apparaît une des premières mentions de ces cloîtres construits novo opere (selon la nouvelle technique), en pierre et non plus en bois. De fait, le plan de Saint-Gall, où les arcades du cloître sont dessinées en rabattement, paraît impliquer lui aussi une construction en pierre. Toutefois, ces prestigieuses constructions carolingiennes restaient isolées. Il faut attendre le xie siècle, époque du grand essor de l'architecture religieuse en Occident, pour que la métamorphose des cloîtres devienne durable. En termes presque identiques, les textes font un titre de gloire aux prélats d'avoir « laissé de marbre un cloître qu'ils avaient trouvé de bois », comme saint Odilon de Cluny (entre 994 et 1049) ou l'archevêque Bescelin de Brême (1035-1045). À Saint-Martial de Limoges, sous l'abbatiat d'Adhémar (1063-1114), à Subiaco, sous celui d'Humbert (1051-1060), des cloîtres de marbre s'élèvent aussi, dont il ne nous est pas dit s'ils remplacent des cloîtres de bois. À Mayence, l'archevêque Bardon († 1051), ayant transféré le siège de l'église métropolitaine, la dote d'un cloître à la mode nouvelle. Parfois, on sacrifiait, pour ces embellissements, des monuments plus anciens : ainsi à Saint-Augustin de Cantorbéry, où l'abbé Elmer (1006-1022) fit démolir une confession pour remployer les colonnes et les arcades dans le cloître qu'il édifiait.

Les premiers cloîtres sculptés

L'intrusion d'un décor sculpté et peint sous ces portiques moins périssables est une révolution d'une plus grande conséquence. Il n'est pas douteux qu'elle soit liée à l'essor de l'ordre de Cluny, soucieux de glorifier Dieu par la beauté des bâtiments sacrés et de la liturgie, mais on n'a pas tout résolu lorsqu'est énoncée cette vérité première. Les tendances de Cluny au faste ne se déclarent pas dès la fondation de l'abbaye en 910. Elles traduisent surtout la volonté des grands abbés réformateurs, saint Mayeul, saint Odilon et saint Hugues. On a pu se demander si l'adoption de cloîtres spacieux et richement décorés ne coïncide pas avec la découverte des formes architecturales de l'Islam, au cours de la Reconquista, puis à l'occasion de la première croisade ; les splendeurs des palais et des mosquées musulmanes auraient paradoxalement ouvert la voie à l'art le plus caractéristique de la Chrétienté. L'idée, qui reste séduisante, ne peut toutefois être prouvée, les exemples que l'on invoquait autrefois pour établir l'existence d'un « art de contacts » entre l'Islam et la Chrétienté, comme le cloître du Paradiso à Amalfi, étant extrêmement tardifs. Quelle qu'en soit la cause, la vogue des cloîtres ornés s'affirme au cours du xie siècle. Sans doute faut-il ajouter foi au texte, bien imprécis, qui parle des travaux d'embellissement entrepris vers l'an 1000 par l'abbé Robert à Saint-Florent de Saumur : il mentionne[...]

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Cour du Palais Medici-Riccardi, Florence - crédits : K & B News Foto, Florence,  Bridgeman Images

Cour du Palais Medici-Riccardi, Florence

Couvent des Saints-Serge-et-Bacchus, Umm es-Surab - crédits : Encyclopædia Universalis France

Couvent des Saints-Serge-et-Bacchus, Umm es-Surab

Cloître de la cathédrale de Monreale - crédits : letyg84/ Fotosearch LBRF/ Age Fotostock

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