CLOOTS JEAN-BAPTISTE dit ANACHARSIS (1755-1794)
L'une des figures les plus curieuses de la Révolution, celle d'un étranger fasciné par les événements français de 1789 à 1794. « Si beaucoup de Français partaient, écrit Michelet, beaucoup d'étrangers venaient ; ils s'associaient de cœur à toutes nos agitations, ils venaient épouser la France. Et dussent-ils y mourir, ils l'aimaient mieux que vivre ailleurs ; ici, ils étaient au moins, s'il mouraient, sûrs d'avoir vécu. »
Originaire du duché de Clèves en Rhénanie, fils d'un conseiller secret du roi de Prusse, possesseur d'une grande fortune héritée d'une famille de riches armateurs hollandais, francophile passionné (il écrivit en 1786 Les Vœux d'un gallophile), le baron Jean-Baptiste Cloots, dit Anacharsis Cloots, s'enthousiasme pour la Révolution française et vient se fixer à Paris. « J'étudie, disait-il, le cœur humain dans les bourgs et les faubourgs, à la campagne, à la ville, dans les clubs et les groupes. » Il collabore au Moniteur, au Patriote français, aux Révolutions de France et de Brabant ; il prend la parole dans les clubs et se baptise lui-même « l'orateur du genre humain » ou encore « l'ennemi personnel de Jésus-Christ ». Il pousse à la guerre contre les souverains : « Nous allons soulever la jacquerie des laboureurs européens. Il ne nous reste plus qu'à mettre à prix les têtes des tyrans. » Son idée fixe, son rêve, c'est de réaliser la république universelle de toutes les patries fédérées. Tant d'agitation lui vaut un siège à la Convention comme représentant de l'Oise. Sa position ? Il l'exposa dans une brochure, Ni Marat ni Roland, qui est en fait dirigée contre les Girondins. Il ne gagne pas pour autant la sympathie de Robespierre qui le suspecte d'être espion et contre-révolutionnaire parce qu'étranger (« Pouvons-nous regarder comme patriote un baron allemand ? [...] Dédaignant le titre de citoyen français, il ne voulait que celui de citoyen du monde. Eh ! s'il eût été bon Français, eût-il voulu que nous tentassions la conquête de l'univers ? ») et lui reproche sa participation au culte de la Raison. Exclu du club des Jacobins, Cloots proteste vainement en publiant un Appel au genre humain qui suscitera la juste admiration de Michelet : « La cause de tous mes malheurs, c'est d'aimer trop le genre humain, et pas assez les cliques et les personnages [...]. France, tu seras heureuse lorsque tu seras guérie des individus. » Exclu de la Convention comme étranger (il avait pourtant reçu la nationalité française par décret de la Législative), arrêté, traduit devant le Tribunal révolutionnaire, Cloots est exécuté avec les hébertistes le 24 mars 1794. Sur le chemin de l'échafaud, pour apaiser une dernière dispute entre les autres condamnés, il leur récitera des vers en riant.
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Écrit par
- Jean TULARD : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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