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CLOWN

Auguste la victime triomphe

La disparition vers 1860 des spectacles de pantomime permet au cirque d'engager les derniers mimes, qui apportent au répertoire clownesque, fort pauvre encore, une somme de canevas et de traditions qui émaillaient et rendaient drôles les arlequinades acrobatiques. Les clowns s'en emparent et les accommodent à l'optique et à l'acoustique du cirque, dès que le décret instituant la liberté des théâtres, en 1864, supprime tous les privilèges et interdictions. Un fonds commun de trouvailles, de facéties, de situations d'inspirations diverses, éprouvées à l'usage, transmises oralement, s'enrichit d'année en année. Les scènes dialoguées ne sont plus prohibées en piste, ni la musique instrumentale, ni la danse, ni le chant. La farce devient entrée clownesque et l'« entrée », sketch à plusieurs personnages.

<it>La Ruée vers l'or</it>, de C. Chaplin, 1925 - crédits : MPI/ Getty Images

La Ruée vers l'or, de C. Chaplin, 1925

C'est alors qu'un nouveau type comique survient auquel on donne le nom d' Auguste dans le monde entier, mais celui de Tony en Italie. Il apparaît d'abord comme un personnage subalterne surgi sur des écuries du cirque ou du wagon-dortoir des employés toutes mains d'un chapiteau. Il se mêle à l'action clownesque, sans qu'on sache exactement ce qu'il vient y faire. Tom Belling, en Allemagne, Jimmy Guyon, en France, revendiquent sa paternité. Son costume misérable contraste avec l'habit pailleté du clown, car celui-ci, depuis qu'il joue la farce, dédaigne le maillot et la trousse d'acrobate et porte, désinvolte et crâne, une souquenille de parade. L'auguste, avec l'extravagance de son costume, avec les ridicules de sa silhouette et son goût pour le gigantisme ou le filiforme, bouleverse le rêve et la fantaisie. C'est la réalité qui entre en piste, le pauvre hère promis à toutes les plaisanteries, aux avanies, aux méchancetés de son orgueilleux partenaire. Il y invite d'ailleurs avec une conscience professionnelle, une soumission méritoire, et son rôle, qu'il prend au sérieux, lui assure bientôt une promotion extraordinaire dans l'échelle des amuseurs. Il est l'idiot du village, le niais de la noce, le vagabond qu'on pourchasse, le clochard dégingandé, le pochard des lendemains de fêtes, le tramp américain ; il est un intrus, et, conformément à ses origines de palefrenier hirsute, inacceptable dans un milieu d'artistes. Toutes les entrées clownesques sont construites désormais en fonction de ce personnage, dupé, battu et toujours étonné de l'être. Tout le jeu s'organise autour de lui. Au comique de mots, de gestes, d'accessoires, l'entrée clownesque substitue le comique de situations et – sa dernière ressource – le comique de sentiments. À ce jeu-là, les clowns anglais doivent quitter la place. Les clowns latins, les Italiens d'une vivacité imbattable dans l'entrée acrobatique, les Espagnols interprètes des vieilles farces castillanes qu'ils ont découvertes dans les intermeses, les Français descendants des mimes du boulevard du Temple chassent définitivement au début du siècle le clown anglais des pistes parisiennes. Geo-Foottit, le clown du Nouveau-Cirque, et ses enfants, Busby, clown de reprise chez Medrano, seront les derniers représentants du clown de tradition anglaise, avant la Première Guerre mondiale. Le comique d'accessoires reparaît comme une branche d'activité clownesque purement matérielle et visuelle avec les Rastelli et les Folcos.

La pantomime acrobatique, que servaient encore à la fin du xixe siècle les Hanlon-Lees et Agoust dans leur répertoire personnel et dans des pièces écrites pour eux par les auteurs dramatiques, n'est plus qu'un souvenir. Les clowns musicaux et leurs instruments fantaisistes disparaissent à leur tour. On ne les retrouve, de-ci de-là, que dans quelques vieilles équipes clownesques : les Fratellini avec[...]

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Les frères Fratellini, vers 1930 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Les frères Fratellini, vers 1930

<it>La Ruée vers l'or</it>, de C. Chaplin, 1925 - crédits : MPI/ Getty Images

La Ruée vers l'or, de C. Chaplin, 1925

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    ...(qui, au cinéma, est également un genre fécond) réduit le personnage à la réalité commune des ridicules observés et des situations qui les révèlent. Des générations d'acteurs peuvent servir le même répertoire. Leclown, au contraire, meurt en emportant le secret de son masque, si rudimentaire soit-il.
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