COBRA, mouvement artistique
Trajectoires et rencontres
Mouvement éminemment nomade et décentré, Cobra vivra de rencontres entre les cultures et les expériences respectives de ses membres. Le poète Dotremont, qui fut d'abord en contact avec Raoul Ubac et les surréalistes belges, gagne Paris en 1940. Il y rencontre Gaston Bachelard et collabore, à partir de 1941, à La Main à plume, revue clandestine animée par Noël Arnaud, avec lequel il fondera, en 1947, se séparant du mouvement surréaliste, le groupe des surréalistes révolutionnaires.
Dès les années 1930, Jorn, qui avait fréquenté l'atelier de Fernand Léger avant de découvrir Paul Klee et Joan Miró, participe à la revue Linien (« la ligne ») fondée par les surréalistes danois Vilhelm Bjerke-Petersen et Ejler Bille, à laquelle succédera durant la guerre Helhesten (« cheval d'enfer », 1941-1944). Dotremont verra dans cette revue largement ouverte à l'ethnographie et aux arts populaires « l'origine la plus déterminante du groupe Cobra ». De fait, nombre de ses collaborateurs (Else Alfelt, Ejler Bille, Egil Jacobsen, Henry Heerup, Carl-Henning Pedersen et Jorgen Nash) rejoindront le mouvement. En 1946, Jorn rencontre le peintre néerlandais Constant. Celui-ci fonde en 1948 le groupe expérimental hollandais, et anime – aux côtés d'Appel, Corneille, Theo Wolvecamp et Anton Rooskens – la revue Reflex. Rapidement, les amis bruxellois de Dotremont et Noiret – les écrivains Marcel Havrenne et Hugo Claus, les peintres Pol Bury, Pierre Alechinsky et Louis van Lint, l'ethnologue Luc de Heusch et le musicien Jacques Calonne – rallient Cobra.
L'expansion du mouvement s'affirmera encore avec l'adhésion du peintre allemand Karl-Otto Götz, fondateur de la revue Meta (1948-1953), celle du sculpteur américain d'origine japonaise Shinkichi Tajiri, celle du peintre anglais Stephen Gilbert, et de quelques Français – les peintres Jean-Michel Atlan et Jacques Doucet, les écrivains Édouard Jaguer et Michel Ragon. Cette diversité induisit sans doute un certain flottement dans l'organisation, compte tenu des distances entre les participants, ainsi que de leur précarité matérielle. Mais les initiatives qu'elle suscita restaient à l'image du projet initial : fourbir, à partir de lieux de création autonomes, les arguments d'une riposte permanente à un art prisonnier des « modèles » – intérieurs ou non – dictés par l'idéalisme, à l'aube d'une ère où le machinisme menace déjà de soumettre l'homme à un formalisme social tout aussi réducteur.
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Écrit par
- Catherine VASSEUR : docteur en histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média
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