CODE GÉNÉTIQUE
Le code génétique est-il vraiment universel ?
Le même code génétique est utilisé par tous les organismes vivants, y compris les virus qui utilisent l’ARN comme matériel génétique. Cette universalité implique une forte pression de sélection en faveur de ce code, qui a dû s’établir très tôt avec l’apparition d’organismes vivants dotés de continuité génétique. Cependant, quelques échappements à l’universalité du code permettent d’entrevoir ce qu’ont pu être des codes génétiques « non retenus » par l’évolution.
Les mitochondries et les chloroplastes sont des organites intracellulaires spécialisés dans la production d’énergie utilisable, issus très probablement de bactéries « capturées » par endocytose au début de l’évolution des cellules eucaryotiques. Ces organites possèdent chacun un ADN circulaire particulier qui code pour quelques dizaines de protéines mitochondriales et plusieurs centaines de protéines chloroplastiques. Le décodage de leurs gènes utilise essentiellement le code génétique universel, mais à de notables variations près : ainsi les codons AGA et AGG qui, chez l’homme, codent normalement l’acide aminé arginine, sont des codons stop dans la mitochondrie ; AUA code pour la méthionine au lieu de l’isoleucine ; UGA, codon stop dans le modèle standard, code ici pour le tryptophane. On connaît ainsi vingt-cinq codes génétiques mitochondriaux qui s’écartent de manière significative du modèle standard. Des variations du même genre sont observées dans l’ADN chloroplastique et chez la levure. Ces variations sont accommodées par la présence, dans l’ADN des organites, des gènes d’ARN de transfert particuliers capables d’utiliser ces codons différents.
Une seconde famille de variations concerne le « dogme » de la colinéarité ADN-ARNm-protéine : dans un cas assez fréquent, un « pré-ARNm » est bien copié sur l’ADN et lui est colinéaire, mais il ne devient un véritable ARNm qu’après un processus d’édition qui consiste en l’insertion et (ou) la délétion de 1 ou de n nucléotides, au sein de la molécule de pré-ARN (n pouvant être très grand dans le cas des protozoaires du genre trypanosome). L’ARNm fonctionnel et la protéine résultante ne sont donc plus colinéaires à l’ADN du gène. Ce phénomène est observé à des fréquences très variables dans la plupart des organismes, y compris chez l’homme – dans des récepteurs aux transmetteurs glutamate et sérotonine du cerveau, par exemple, et dans une apolipoprotéine sanguine. Il est surtout marqué dans l’ADN mitochondrial de la plupart des protozoaires, chez qui le phénomène a été découvert. Ces modifications peuvent affecter la protéine produite de multiples manières et introduire à une diversité de produits à partir d’un seul gène.
Ces échappements au modèle standard du décodage génétique peuvent être interprétés comme des traces de codes plus archaïques, ou d’un code initial à deux lettres augmenté progressivement pour accommoder de nouveaux aminoacides au cours de l’évolution.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Antoine DANCHIN : directeur de recherche au CNRS, professeur à l'Institut Pasteur
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Média
Autres références
-
DÉCRYPTAGE DU CODE GÉNÉTIQUE
- Écrit par Nicolas CHEVASSUS-au-LOUIS
- 223 mots
- 1 média
Au début des années 1960, l'Américain Marshall W. Nirenberg découvre que l'addition d'un acide ribonucléique messager (ARNm) constitué uniquement d'uridine (U, un des quatre nucléotides) à un extrait bactérien suffit à déclencher la synthèse d'une protéine composée uniquement de phénylalanine....
-
ADN (acide désoxyribonucléique) ou DNA (deoxyribonucleic acid)
- Écrit par Michel DUGUET , Encyclopædia Universalis , David MONCHAUD et Michel MORANGE
- 10 074 mots
- 10 médias
...protéines, puisque l'on savait depuis peu que les enzymes n'étaient que des protéines) : à chaque gène correspondait une enzyme et à chaque enzyme un gène. C'est à George Gamow – physicien et astrophysicien américain, célèbre pour avoir prédit, avant qu'on ne l'observe expérimentalement, l'existence... -
BIOCHIMIE
- Écrit par Pierre KAMOUN
- 3 880 mots
- 5 médias
...de bases du messager, copie servile de l'ADN. La seconde étape de la synthèse protéique est celle de la traduction du message génétique en protéine. Le code génétique entièrement élucidé par Nirenberg, Khorana et Ochoa en 1965 s'est révélé universel, valable aussi bien pour “la bactérie que pour l'éléphant”.... -
BIOLOGIE - La biologie moléculaire
- Écrit par Gabriel GACHELIN
- 7 405 mots
- 8 médias
...bases, 3 entre C et G, 2 entre A et T. Une molécule d'ADN est donc constituée de deux chaînes de séquences complémentaires en bases mais de sens opposé. Ainsi, le code de l'hérédité se trouve dans la séquence des bases. Le gène, toujours unité de fonction et de recombinaison, devient un morceau de cette... -
CELLULE - L'organisation
- Écrit par Pierre FAVARD
- 11 028 mots
- 15 médias
...spécifie un acide aminé ; la table de correspondance entre les 64 codons et les 20 acides aminés existant dans la panoplie moléculaire du vivant étant le code génétique. Afin que les ARNm (séquence de nucléotides) puissent être traduits en polypeptides (séquence d'acides aminés) par les ribosomes, il est... - Afficher les 18 références