CODE NAPOLÉON
Idées directrices
Un des rédacteurs du Code, Portalis (1746-1807), a exprimé les conceptions qui ont présidé au travail de la Commission dans un document remarquable, le fameux Discours préliminaire. Ces conceptions touchent à la fois au fond et à la forme du Code.
Quant au fond, le Code s'appuie sur quatre idées essentielles, qui peuvent aujourd'hui paraître banales à des Français, mais qui étaient largement nouvelles et sont loin d'être partout admises : celle de l'unité du droit, un droit identique s'appliquant à l'ensemble du territoire et à tous ses citoyens (il en est autrement dans presque toutes les nations fédérales) ; celle de l'unité de la source juridique, la loi, émanant d'un législateur, c'est-à-dire d'un organe chargé d'exprimer la volonté populaire, et qui ne laisse au juge qu'une fonction secondaire (il en est autrement en Angleterre et dans tous les pays de tradition britannique, y compris les États-Unis : la common lawn'est pas subordonnée à la loi) ; celle du caractère complet du droit, qui régit tous les rapports sociaux, fussent-ils familiaux (au milieu du xxe siècle, on se passionnera pour savoir si le Code doit affirmer et en quelle forme, que le mari est le chef de la famille) ; la séparation enfin du droit, de la morale et de la religion, d'une part, et de la politique, d'autre part (il existe en certains pays des droits essentiellement religieux, et les États socialistes affirmèrent le caractère politique du droit – affirmation qui n'est d'ailleurs nullement choquante si elle est exactement comprise).
Non moins intéressantes sont les conceptions que les rédacteurs se faisaient d'un Code quant à sa forme.
Ils se trouvaient, en premier lieu, devant l'idée traditionnelle que le droit doit être si clair que chacun puisse le connaître. On avait même, à cette fin, durant la Révolution, cherché à réaliser un code en 100 articles ; on avait élaboré des projets de 695, puis de 297 articles. Si les rédacteurs n'avaient plus ces illusions, ils ont voulu pourtant un droit aussi accessible que possible à tous, et ils y ont réussi. Naguère encore, le paysan français connaissait le droit de la terre, et nombre de foyers possédaient le Code : celui-ci était bien « le Code civil des Français ».
Un code, pour les rédacteurs, doit être complet dans le domaine qu'il couvre. C'est ce que réalisent le Code de 1804 et les quatre autres codes de la législation napoléonienne : le Code de procédure civile de 1806, le Code de commerce de 1807, le Code d'instruction criminelle de 1808 et le Code pénal de 1810.
Un code doit poser des principes relativement généraux et confier aux tribunaux le soin d'en dégager les prolongements pratiques. « L'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit ; d'établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière. C'est aux magistrats et aux juristes, pénétrés de l'esprit général des lois, qu'il revient d'en diriger l'application [...]. La science du législateur consiste à trouver dans chaque matière les principes les plus favorables au droit commun ; la science du magistrat est de mettre ces principes en action, de les ramifier, de les étendre par une application sage et raisonnée aux hypothèses prévues. » C'est peut-être cette conception, mise en œuvre avec beaucoup de bonheur par les rédacteurs du Code civil, qui a fait de celui-ci le modèle qu'il reste à certains égards. Cette « ramification » des principes dans la jurisprudence, on l'observe matériellement dans l'édition annuelle du Code civil par la librairie Dalloz : sous chaque article, des sommaires de jurisprudence en précisent la portée.[...]
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Écrit par
- André TUNC : professeur émérite à l'université de Paris-I
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