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CODE NOIR (1685)

Le texte

Les sept premiers articles imposent aux propriétaires et aux gens d'Église les mesures à prendre pour faire entrer tous les esclaves dans le catholicisme et bannir des îles toutes autres croyances. Les suivants contraignent le propriétaire à gérer la vie de ses esclaves au mieux de ses intérêts dans la sauvegarde de leur durée physique, qui ne saurait être raccourcie autrement qu'en épuisement au travail ou par l'exécution légale. Parfait dans son agencement, le Code noir étale son effrayante logique si on le lit en groupant ses soixante articles sous treize titres d'inégale longueur :

– Sept articles (1-7) pour l'économie de salut, comme déjà dit.

– Six articles (8-13) règlent concubinage, mariage et effets civils de l'un et l'autre sur les esclaves.

Un seul article (14) pour l'inhumation des esclaves. Ainsi donc, du premier au quatorzième article, les arrangements sont établis entre les deux économies (salut et propriété) dont les effets convergent aux moments clés de l'entrée en catholicisme, de la naissance, du mariage, de la mort.

Les articles 15 à 21 réglementent les allées et venues, les déplacements des esclaves drastiquement surveillés, totalement soumis à l'arbitraire des maîtres.

Une bête de somme, ça mange et ça aime se protéger des intempéries : les articles 22 à 27 déterminent en détail ce que doivent être la nourriture et l'habillement des esclaves.

Nourri et habillé, l'esclave pourrait-il se débrouiller pour se constituer un petit pécule ? Les articles 28 et 29 scellent l'incapacité de l'esclave à la moindre propriété.

S'il était homme, l'esclave pourrait avoir recours à la justice, mais il ne l'est pas : deux articles, 30 et 31, proclament son incapacité juridique.

Et néanmoins il a une existence juridique : il est pénalement responsable, disent les articles 32 à 37. Il ne peut donc poursuivre parce qu'il n'est pas homme, mais sa bestialité ne le met pas à l'abri de la poursuite.

Aux articles 38 et 39, le Code noir énumère les peines (amputations, mort) à appliquer aux esclaves en fuite et à ceux qui, affranchis ou libres, auraient aidé l'esclave en fuite de n'importe quelle façon (amendes ou prison).

En quatre articles (40 à 43), Versailles sépare les pouvoirs de coercition concédés aux maîtres de ceux que l'autorité royale se réserve.

Pas moins de onze articles (44 à 54) pour réglementer les conséquences de la réduction juridique de l'esclave-marchandise au statut d'un « bien meuble » ou d'une « somme d'argent ».

Encore cinq articles (55 à 59) pour préciser les conditions d'un éventuel et peu probable affranchissement et souligner la fragilité de cette mesure banalement réversible.

Au fil des articles, le Code prévoit les montants précis des amendes et confiscations en punition de forfaits ou délits dont les libres et les affranchis se rendaient coupables et en indique souvent l'instance bénéficiaire.

L'article 60, valant conclusion, destine pour deux tiers au roi et pour un tiers à l'« hôpital établi dans l'île [...] les confiscations et les amendes qui n'ont pas de destination particulière ». Faut-il signaler que l'hôpital en question n'a jamais existé ?

En France, on a coutume de dire, lorsqu'on en parle, que le Code noir est sans intérêt historique, puisque les colons ne l'appliquaient pas : trop doux pour les esclaves. On a tort. Ce code dit la façon dont la France regardait le Noir et entendait le traiter. D'autres nations codifièrent la bestialisation de « leurs » Noirs. L'Espagne et le Portugal légiférèrent pour leurs Noirs en exportant en quelque sorte aux colonies leurs pratiques séculaires de traitement (exploitation, christianisation) des esclaves noirs et maures. 'Les mémoires[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de philosophie politique, universités de Paris-I et de Toulouse-II

Classification

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