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CODIFICATION (sociologie)

Entre droit et politique

Si elle comporte une dimension juridique indéniable, la codification est toujours un acte de pouvoir et un vecteur de consolidation d’un ordre public. Le Code pénal de 1791, élaboré par l’Assemblée constituante, marque une rupture symbolique avec la justice de l’Ancien Régime et établit une nouvelle philosophie du droit de punir. La nouvelle conception politique d’une société plus égalitaire et plus libre, portée par la Révolution française, se traduit dans l’affirmation de nouveaux principes pénaux, comme celui de la légalité des délits et des peines. La « force du droit » réside précisément dans la capacité de l’écriture juridique à transformer des convictions politiques et philosophiques, locales et contextualisées, en une série de règles présentées comme générales, universelles et atemporelles. Ouvrir la boîte noire du processus de fabrique des textes législatifs, ainsi que l’ont fait Jacques Commaille pour la réforme des lois sur la famille ou Pierre Lascoumes et Pierrette Poncela pour le nouveau Code pénal français, permet de dénaturaliser ce discours juridique et de le présenter sous un nouveau jour : celui d’un processus non linéaire nourri d’une pluralité d’acteurs et de visions du monde, procédant de nombreuses discussions et élaborations dans le cadre de commissions d’experts et donnant lieu à la recherche de difficiles compromis.

Il convient de conclure sur le fait que le terme codification recouvre aussi un sens plus large que celui utilisé par les juristes et analysé par les politistes et sociologues du droit. Codifier, ce peut être mettre en forme les règles du jeu social, les institutionnaliser et les stabiliser à travers un énoncé juridique, sans nécessairement leur donner la forme matérielle d’un code. En ce sens, la Constitution peut être analysée comme une forme de codification des pratiques politiques. La codification ne s’effectue pas alors ex nihilo : elle procède de l’objectivation de règles pratiques déjà intériorisées par les acteurs sociaux. C’est le cas par exemple de l’habitude consistant pour le chef de l’État à déléguer à l’un de ses ministres la présidence du Conseil des ministres. Cette pratique en vigueur dans le dernier quart du xixe siècle, sous le régime de la IIIe République, n’a été juridiquement formalisée qu’en 1946 par la Constitution de la IVe République. D’autres usages peuvent aussi être codifiés de la sorte, l’on évoque ainsi la codification de l’ordre sportif ou celle de l’ordre international.

— Laurence DUMOULIN

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