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COGESTION

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Le terme cogestion désigne le partage du pouvoir de gestion ou du pouvoir de décision nécessaire au fonctionnement de tout groupe social organisé. Un tel partage, qui suppose évidemment qu'au moins deux intéressés revendiquent l'exercice du pouvoir, est susceptible de degrés suivant l'étendue du domaine sur lequel il s'exerce et suivant qu'il repose ou non sur une base égalitaire. On passe ainsi de la simple participation à la gestion à la cogestion proprement dite et, à terme, à l'autogestion.

Participation à la gestion, cogestion et autogestion sont des formes d'organisation des groupes sociaux susceptibles de recevoir application dans les domaines les plus divers, mais ce que l'on désigne le plus communément ainsi, c'est un mode d'administration des entreprises. La cogestion, alors, présente des liens étroits avec les idées de participation ou d'association des salariés à la vie de l'entreprise, dont elle n'est finalement qu'un volet avancé, mais aussi controversé.

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Les passions s'expliquent par la spécificité de ce groupe social particulier qu'est l'entreprise. Celle-ci peut, en effet, être sommairement définie comme un ensemble de biens et de personnes qui concourent à la production de services ou de produits. Elle peut prendre des formes juridiques différentes, mais, en économie capitaliste, une distinction essentielle doit être faite entre le capital et le travail, c'est-à-dire les propriétaires et les salariés. Si les uns et les autres ont un indéniable intérêt commun à voir l'entreprise prospérer, force est d'admettre que, sur de nombreux points, ce sont plutôt les divergences qui l'emportent. Or, dans cet ensemble complexe, les pouvoirs sont traditionnellement dévolus aux apporteurs de capitaux, qui les exercent soit directement, soit par l'intermédiaire de personnes qu'ils désignent et peuvent à tout moment révoquer. Les salariés, eux, sont admis à s'organiser pour faire valoir leurs intérêts, ils sont protégés par la législation du travail contre les abus du pouvoir, mais ils ne participent pas à son exercice. La cogestion bouleverse ce schéma puisque, dans l'entreprise cogérée, les apporteurs de capitaux partagent le pouvoir de gestion avec les salariés.

En l'absence de procédé unique de mise en œuvre, l'accord ne peut se faire sur une définition de la cogestion. Le terme reste empreint d'une certaine ambiguïté. Pour certains, cogestion signifie décision prise d'un commun accord entre les partenaires ; il ne saurait donc y avoir de cogestion sans composition paritaire de l'organe qui détient le pouvoir et sans partage des responsabilités ; en deçà, il n'y aurait qu'association à la gestion. D'autres, moins exigeants, estiment que la notion de cogestion recouvre toute structure d'organisation de l'entreprise qui associe les salariés à tout ou partie des décisions. Force est donc d'en examiner les différentes modalités possibles, dès lors qu'elles confèrent aux salariés certains pouvoirs d'intervention dans les décisions, mais sans atteindre le stade ultime où, tous les pouvoirs de gestion étant entre leurs mains, il n'y a plus cogestion mais autogestion.

Cogestion et structures économiques

L' autogestion a eu ses maîtres à penser. C'est avec les socialistes dits utopiques (Fourier, 1772-1837) qu'a pris naissance l'idée d'association des ouvriers comme moyen de se dégager de l'emprise des patrons. Mais beaucoup voient en Proudhon (1809-1865) le « père » de l'autogestion : les coopératives ouvrières de production devaient, en se fédérant, déboucher sur une organisation nouvelle derrière laquelle l'État s'effacerait. Marx et Lénine prendront ensuite le relais dans une perspective plus révolutionnaire. La cogestion, quant à elle, s'est passée de théoriciens. Elle est née spontanément, souvent d'initiatives individuelles. Ses sources d'inspiration comme ses préoccupations sont des plus diverses : catholicisme social naissant, paternalisme, souci de libérer les travailleurs de leur condition expliquent bien des expériences de cogestion menées au xixe siècle, notamment en France.

Entre cogestion et autogestion, il y a plus qu'une différence de degré. La cogestion, en effet, reste compatible avec les structures d'une économie capitaliste sur lesquelles elle est susceptible de se greffer. En cela, elle diffère fondamentalement de l'autogestion, laquelle suppose une transformation plus radicale de l'entreprise et, si la formule en est généralisée, des structures économiques dans leur ensemble. L'objectif étant alors de confier toute l'administration des entreprises aux travailleurs, il se révèle incompatible avec l'appropriation privée des moyens de production et suppose, par conséquent, la disparition du capitalisme.

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On comprend dès lors que seule l'autogestion ait éveillé quelque intérêt dans les milieux syndicaux et que la cogestion n'ait suscité de leur part que rejet ou indifférence. Revendiquer la cogestion, ce serait accepter de participer à un système que l'on rejette, en tout cas se prêter à une collaboration avec le patronat qui ne pourrait que nuire à l'action revendicative. Sans doute aussi les syndicats ne sont-ils guère tentés de participer eux-mêmes ou d'entraîner les salariés dans l'aventure d'une participation à la gestion des entreprises qui s'avère souvent délicate et dont ils porteraient du même coup, pour partie, la responsabilité.

Pour les mêmes raisons, c'est l'autogestion et non la cogestion qui est mise en œuvre en pays socialiste. La Yougoslavie est à cet égard souvent citée en exemple, mais d'autres expériences ont été menées, notamment en Pologne après la crise de 1956 et en Algérie. Partout, cependant, le jeu de l'autogestion a été faussé dans ces pays par le poids de l'État et les implications d'une économie planifiée, si bien que ces expériences sont aujourd'hui diversement appréciées et qu'on répugne souvent à y voir une autogestion véritable.

Ainsi, les problèmes liés à la condition ouvrière et la question des pouvoirs dans l'entreprise ont-ils été longtemps posés en termes de conflits d'intérêts et de lutte des classes. Ils se détachaient difficilement des grands débats idéologiques. Dans cette perspective, c'était le droit de propriété et les risques encourus par le chef d'entreprise qui, pour les uns, justifiaient ces pouvoirs. Tandis que les autres ne voyaient de solution que dans un transfert de la propriété de l'entreprise aux travailleurs. Pour sortir du dilemme, ne pouvait-on trouver une troisième voie ? Le mouvement coopératif qui s'est développé au début du siècle est une première réponse à cette question, mais c'est surtout, plus tard, l'essor du concept de participation qui débouchera sur un large éventail de solutions visant à assurer une meilleure association des salariés à la vie de l'entreprise. Parmi ces solutions, qui souvent se combinent, un petit nombre seulement répondent aux critères de la cogestion.

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Écrit par

  • : D.E.A. travail et questions sociales, journaliste en droit social

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