COHORTE, sciences sociales
En 2011 est lancée en France l'enquête Elfe (Étude longitudinale française depuis l'enfance), portant sur une cohorte de 20 000 enfants nés cette même année. À dates régulières, les enquêtés feront l'objet d'études portant sur divers aspects de leur développement. Les données recueillies permettront de mieux comprendre les processus de socialisation des enfants, les déterminants sociaux de leur santé. Cette enquête est décrite ainsi : « À partir d'avril 2011, les professionnels de santé de 344 maternités – tirées au sort dans toute la métropole – ont proposé à tous les parents de nouveau-nés de participer à cette enquête ambitieuse et inédite. Quatre périodes de l'année 2011 ont été sélectionnées pour représenter chaque saison : début avril, fin juin-début juillet, fin septembre-début octobre et fin novembre-début décembre. Tous les enfants nés pendant ces périodes dans l'une des maternités métropolitaines associées à Elfe, ont pu participer à l'étude ».
Une cohorte est, d'une manière générale, un ensemble d'individus caractérisés par un même événement, tel que la naissance, le mariage, le divorce ou encore l'obtention d'un diplôme ou l'entrée dans une profession. C'est donc l'événement qui définit la cohorte. L'analyse des cohortes s'est constituée en domaine spécifique de la méthodologie des sciences sociales, avec le développement des enquêtes longitudinales, c'est-à-dire, précisément, des enquêtes portant sur des cohortes d'individus, comme l'enquête Elfe. L'objectif des enquêtes longitudinales consiste à suivre une ou plusieurs cohortes à partir d'un événement particulier. Dans l'ensemble des enquêtes sociologiques et épidémiologiques, les enquêtes longitudinales ont pris une place importante car elles permettent d'étudier de façon fine la dynamique des trajectoires individuelles et leurs déterminants, notamment les facteurs sociaux. Elles ont une place centrale quand il s'agit, par exemple, d'échantillons de malades ou de publics scolarisés dont on suit le parcours. Des méthodes statistiques se sont développées en relation plus ou moins étroite avec les données longitudinales : c'est le cas de l'« analyse des biographies » qui modélise les parcours de vie comme des processus stochastiques ou aléatoires, ou encore l'analyse des séquences, qui classe les individus en fonction des successions d'événements qui les caractérisent.
Du point de vue sociologique, l'analyse des cohortes permet d'étudier le cadre collectif dans lequel se forment les trajectoires individuelles et familiales, en partant d'observations précises sur la succession d'événements qui définissent celles-ci. L'objectif est donc de comprendre à la fois quels sont les facteurs sociaux « globaux » qui affectent les trajectoires (par exemple, dans quelle mesure la réussite scolaire des membres d'une cohorte est liée à leur origine sociale) et de cerner simultanément tout ce qui permet de rendre compte des variations individuelles, et de saisir ainsi la diversité des trajectoires sociales. Dans la cohorte des élèves hommes entrés en filière littéraire à l'École normale supérieure en 1960 (« promotion 1960 », époque du marxisme althussérien triomphant), certains sont devenus universitaires (Étienne Balibar, Christian Baudelot ou Jacques Rancière...), d'autres écrivains (Régis Debray...), d'autres encore enseignants du secondaire, hommes politiques, chefs d'entreprise ou encore journalistes... L'analyse statistique de cette cohorte permettrait de dégager les facteurs qui ont pesé sur ces différents « destins » professionnels et intellectuels et de comprendre comment se formait un projet intellectuel dans la France de la seconde moitié du [...]
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Écrit par
- Frédéric LEBARON : professeur de sociologie à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
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