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COLD WAR (P. Pawlikowski)

La quête du désir féminin mise en œuvre par Pawel Pawlikowski dans des films tels que Transit Palace (Last Resort, 2000), La Femme du Vème (2011), Ida (2013), et particulièrement au sein du couple dans MySummer of Love (2004), trouve une nouvelle expression avec Cold War (Zimnawojna, prix de la mise en scène au festival de Cannes 2018). Après son premier long-métrage de fiction, The Stringer (1998), une production britannico-russe remarquée, le cinéaste polonais poursuit sa carrière au Royaume-Uni et en France, avant de connaître la consécration internationale avec Ida, réalisé dans son pays natal et récompensé par l’oscar du meilleur film étranger. Reprenant le noir et blanc et le format carré 1,37 qui caractérisaient formellement ce film, Cold War peut être considéré comme le second volet d’un diptyque. À la quête généalogique et religieuse d’Ida dans la Pologne des années 1960 répond ici la relation tumultueuse d’un couple d’artistes polonais, de 1949 à 1964.

Histoire d’une passion

<em>Cold War</em>, P. Pawlikowski - crédits : Opus Film/ MK2 Productions/ BBQ_DFY/ Aurimages

Cold War, P. Pawlikowski

Le début du film nous montre un musicien, Wiktor (Tomasz Kot), une musicologue, Irena (Agata Kulesza), et un apparatchik du parti communiste, Kaczmarek (Borys Szyc), en train d’arpenter les fermes et villages polonais à la recherche de témoignages de la culture populaire. C’est là que Zula (Joanna Kulig) est remarquée et rencontre en 1949 celui qui deviendra l’homme de sa vie, Wiktor, au cours d’une audition destinée à choisir les membres de la compagnie Mazurek, une troupe de ballet populaire bientôt conduite à vanter, en Pologne et dans les « pays frères », le régime communiste de l’époque – une référence à la bien réelle compagnie Mazowsze. Entre Zula et Wiktor va se tisser un lien amoureux intermittent, fruit des aléas politiques et de leurs propres humeurs culturelles et générationnelles, elle étant bien plus jeune que lui. La jeune campagnarde partage avec le musicien citadin, chef d’orchestre et pianiste, un sentiment d’humiliation, fondateur pour leurs sentiments réciproques : Zula s’est vengée de son père qui la violentait, tandis que Wiktor ne supporte plus de devoir conformer sa musique à la propagande du régime. Malgré tout, ils n’ont pas la même vision de la liberté. Après avoir acquis une reconnaissance artistique et sociale en devenant membre de la compagnie Mazurek, Zula n’est pas prête à suivre Wiktor lorsque, à l’occasion d’une représentation de la troupe à Berlin, il décide de passer à l’Ouest. Cette première séparation en augure bien d’autres, avec de multiples retrouvailles qui se révèleront autant d’impasses.

Inspiré par la biographie amoureuse de ses parents, Pawlikowski a écrit avec Janusz Glowacki un scénario à la structure fragmentaire. Tour à tour situées en Pologne, en Allemagne, en France, en Yougoslavie, en Italie, ces séquences elliptiques proposent chacune une variation géographique et émotionnelle sur les déchirements qui agitent le couple, avec le point de vue prédominant de Wiktor. Le noir et blanc uniformise la temporalité pour aboutir à une trajectoire cyclique : nous retrouvons à la fin l’église en ruine, dont la visite précédait la rencontre entre Zula et Wiktor. Ce sont justement les différentes intensités dramatiques, en lien avec les contrastes lumineux, qui dressent ici le bilan émotionnel d’une vie.

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Écrit par

  • : critique de cinéma, membre du comité de rédaction de la revue Positif

Classification

Média

<em>Cold War</em>, P. Pawlikowski - crédits : Opus Film/ MK2 Productions/ BBQ_DFY/ Aurimages

Cold War, P. Pawlikowski