COLD WAR (P. Pawlikowski)
L’exil intérieur
De répression, il en est autant question d’un point de vue politique que dans la construction chaotique de ce couple qui finit par sceller son union dans un double suicide. Cette trajectoire de Zula et Wiktor vers leur délivrance est une réponse aux multiples turpitudes rencontrées sous la dictature communiste. Wiktor se réfugie à Paris pour goûter à la liberté occidentale et ne plus être soumis à une surveillance politique qui le pousse à transformer son art en propagande. En Yougoslavie, il vient retrouver Zula qui y effectue une tournée. Avec une certaine naïveté, il pense la reconquérir en la délivrant des griffes de l’administrateur Kaczmarek. Mais, là aussi, la police politique le contraint à repasser la frontière occidentale, un moindre mal en comparaison d’un retour forcé en Pologne où il serait jugé pour trahison. Ce retour forcé aura lieu pourtant par la suite, et Wiktor se verra déporté dans un camp de travail. Il y deviendra infirme d’une main, ultime punition pour un pianiste qui ne pourra plus jamais pratiquer son art. Ces oppressions sont vécues parallèlement par Zula, qui a accepté de se vendre corps et âme en épousant Kaczmarek avec lequel elle aura un enfant. Sa compromission artistique la réduit à la vulgarité d’un concert de chanteuse de variétés hispanisantes en Italie, où elle recroise Wiktor dans une ambiance très fellinienne. Elle est loin, alors, de son incandescence parisienne, lorsque chanteuse de jazz, elle était accompagnée au piano par Wiktor. Pourtant, avec profondeur et subtilité, Pawlikowski évoque cette période parisienne en dépeignant une liberté occidentale qui n’offre plus de répit à l’épanouissement amoureux. La répression dictatoriale y est remplacée par une sournoise courtisanerie dans les cercles artistiques. Il faut fréquenter les salons d’une poétesse en vogue (Jeanne Balibar) qui ne sait pas comprendre la passion de Zula, ou encore, pour Wiktor, compromettre la femme de sa vie afin d’obtenir l’attention professionnelle d’un producteur (Cédric Kahn). Autant d’avilissements et de reniements qui conduiront le couple à aller au bout de la survie.
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Écrit par
- Pierre EISENREICH
: critique de cinéma, membre du comité de rédaction de la revue
Positif
Classification
Média