COLETTE (1873-1954)
Sidonie-Gabrielle Colette (1873-1954), dite Colette, est une écrivaine dont la place dans l’histoire littéraire a été reconsidérée au xxie siècle. Certes, elle était déjà l’une des rares femmes de lettres du premier xxe siècle à être connue et lue. Mais elle a été d’abord célèbre pour les scandales et sa vie personnelle très libre. Et elle était lue la plupart du temps soit comme une styliste, auteure de merveilleux morceaux choisis sur la nature et les animaux, à la grammaire impeccable et au lexique recherché, soit comme la créatrice d’un type, celui de la Claudine, une jeune fille moderne, malicieuse et extravertie. L’histoire littéraire la plus récente l’a délivrée de quelques clichés également produits autour de « la bonne dame du Palais-Royal » et l’a placée sur le même pied que les écrivains classiques modernes de sa génération, Paul Claudel, André Gide, Marcel Proust, Paul Valéry et Charles Péguy, tous nés, comme elle, entre 1868 et 1873. Surtout sont enfin lus comme un tout, non seulement la série des Claudine et les Dialogues de bêtes, mais aussi les romans de la maturité (Chéri, La Fin de Chéri…), l’ensemble réflexif entre autobiographie et autofiction (La Maison de Claudine, Sido, La Naissance du jour) et quelques textes au statut générique incertain comme Le Pur et l’Impur. On reconnaît aussi les qualités de la journaliste et on est capable de décrire Colette, en ce qui concerne la question des femmes, avec toutes ses ambiguïtés, ni militante féministe ni conservatrice bornée.
La naissance du jour à Saint-Sauveur
L’enfance de Colette diffère sensiblement de la mythographie produite par l’œuvre autofictionnelle. Sidonie-Gabrielle est née le 28 janvier 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye, en Bourgogne. Son père, Jules-Joseph Colette (1829-1905), à l’origine de ce patronyme en forme de prénom réinvesti comme un prénom de plume, est un capitaine de zouaves, amputé de guerre, reconverti comme percepteur à Saint-Sauveur en 1860, avec des ambitions politiques et littéraires avortées. Sa mère, Adèle Landoy (1835-1912), dite Sido dans l’œuvre de Colette, élevée à la mort de son père par son frère dans un milieu de journalistes et d’artistes belges, est cultivée et anticonformiste. Elle épouse en premières noces un propriétaire terrien de Saint-Sauveur-en-Puisaye, alcoolique et violent, Jules Robineau, dont elle a deux enfants : Juliette en 1860 et Augustin en 1863 (probablement le fils biologique de Jules-Joseph Colette). Onze mois après la mort de Jules Robineau, en 1865, elle se remarie avec le capitaine Colette, dont elle aura encore deux enfants : Léo en 1866 et, sept ans plus tard, Sidonie-Gabrielle, la future Colette.
Sido dispense à ses enfants une éducation atypique marquée par le livre (Colette lit tôt Balzac, Alphonse Daudet, Mérimée), l’amour pour la nature et les animaux. À l’école des filles de Saint-Sauveur, Colette obtient le certificat d’études primaires en 1885 et le brevet élémentaire en 1889. Ce bagage scolaire, qui n’est pas anodin pour une jeune fille de cette époque, tranche avec le capital universitaire de la plupart des écrivains avec qui l’histoire littéraire la compare aujourd’hui. Il s’agit sans doute d’une enfance et d’une adolescence heureuses, même si elles sont déjà marquées par une tension entre la mère et la fille, tension visible par la suite dans leur correspondance et que Colette veillera à estomper dans son œuvre.
La gestion imprévoyante du capitaine Colette ruine en quelques années la famille, qui doit déménager en 1891 à Châtillon-sur-Loing. Colette épouse à vingt ans, en 1893, l’écrivain Henry Gauthier-Villars (dit Willy), de quatorze ans son aîné (1859-1931), qu’elle a rencontré par l’intermédiaire de son milieu familial. Avec lui, elle part mener à Paris une vie mondaine, bohème et décousue qu’elle décrira et falsifiera dans [...]
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Écrit par
- Marie-Ève THÉRENTY : professeure des universités, université Paul-Valéry Montpellier 3, membre senior de l'Institut universitaire de France
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Médias
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