COLLAGE
Procédé jusqu'alors rattaché à des pratiques culturelles spécifiques (l'art de l'icône, la calligraphie japonaise, le primitivisme italien) ou au divertissement (les canivets, ces petits couteaux à lame en forme de fer de lance permettant de réaliser des tableaux découpés, les silhouettes), le collage a non seulement accédé au xxe siècle au statut d'œuvre d'art à part entière, mais il relève déjà, au regard des perspectives offertes à l'artiste par les nouveaux outils technologiques, d'une tradition en voie de dépassement.
Le collage, une tradition moderne
Les débats dont le collage fit l'objet au xxe siècle témoignent du rôle central qu'il a joué dans les développements de l'art moderne et contemporain. La question de son « autonomie » fut en effet posée lorsque, en 1961, le critique américain William Seitz décida de réunir sous le terme générique d'« assemblage » des objets aussi divers que le papier collé cubiste, les Combines de Rauschenberg réalisées à la fin des années 1950, le ready-made ou l'objet surréaliste. Fruits selon lui d'une démarche unitaire consistant à choisir, déplacer et renommer des objets préexistants, ils témoignaient en outre d'une esthétique de la banalité et d'une poétique de la fragmentation propre à la sensibilité moderne. Non dépourvue de fondement, cette vision nominaliste oubliait cependant de resituer la naissance de ces objets dans leurs contextes respectifs ; or, dès lors que l'on prend en compte son origine picturale, le collage ne peut être réduit à un assemblage : avatar pour le moins dégradé du tableau classique, il possède néanmoins les attributs de l'icône. De ce point de vue, il est doté d'une ambivalence intrinsèque, dont le ready-made et l'objet surréaliste sont exempts.
Située au début des années 1910, sa naissance s'inscrit dans la formidable accélération que connut l'histoire dès la fin du xixe siècle, et du collapsus, aussi enivrant qu'inquiétant, qu'elle provoqua dans la mentalité collective. D'emblée, ses matériaux, voire ses supports, ont été élus parmi les rebuts usagés d'une économie machiniste – et foncièrement urbaine – concourant à la fois à la prolifération des signes et à leur obsolescence de plus en plus rapide. Le geste artistique s'est bientôt associé à cette dynamique en adoptant une vitesse et des protocoles d'exécution qui rendaient caduc, de fait, l'apprentissage du « métier » d'artiste. De plus, loin d'opérer cette révolution dans un champ d'action limité au cadre traditionnel des beaux-arts, la technique du collage s'est vite révélée applicable à des domaines qui le débordaient largement – la typographie, l'illustration, le photomontage – tout en demeurant pour d'autres une pratique intimiste. Or, loin d'abdiquer sa mission esthétique, poétique ou révolutionnaire au prétexte de sa « pauvreté » et de sa confidentialité, les praticiens du collage n'ont cessé de redéployer à travers lui les enjeux spécifiques de l'art, et par là même d'assurer la pérennité d'une notion, dont ils contribuèrent pourtant à ébranler les fondements séculaires.
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Écrit par
- Catherine VASSEUR : docteur en histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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